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Je suis entrée dans la pièce avec appréhension
Sam 7 Mar - 18:36
Une façon pour moi de partager un des moments les plus difficiles de ma vie...
Je suis entrée dans la pièce avec appréhension. C’était un des moments pendant lesquels rien ne semble être important. Toutes mes pensées étaient désespérément tournées vers nos derniers instants ensembles. Et à mon plus grand regret, je ne parvenais pas à me les rappeler clairement. Cela avait-il été un bon moment ? T’avais-je fait comprendre l’ampleur de mon affection et de tout ce que tu représentais pour moi ?... Cela devait remonter à 3 semaines. Notre fratrie t’avait rendue visite et nous n’avions pas pu partir sans goûter à un de tes pains de viande fraîchement sorti du four. Je pense que c’était un bon moment. Tu étais dans un bon jour. Toi et grand-père nous aviez parlé de votre jeunesse. Là encore j’avais appris de nombreuses choses sur vous. Mais je réalisai que c’était le dernier moment. Le dernier pain de viande. Et beaucoup d’autres dernières choses. Certaines que j’oubliais déjà en maudissant ma mémoire.
Je me suis avancée et j’ai vu. J’ai vu grand-père les yeux rouges, les traits tirés et le visage gonflé d’avoir trop pleuré et surtout je t’ai vue toi. Mais était-ce vraiment toi ? On m’avait dit que tu n’étais plus vraiment consciente. Tu avais l’air endormie, la respiration lourde et bruyante. Je ne sais plus qui j’ai salué ni qui m’a invitée à me rapprocher. Je ne me rappelle même plus combien nous étions dans la pièce ; surement trop. Mais je me suis retrouvée assise à tes cotés. Je ne savais pas quoi faire. J’avais peur de te toucher. Grand-père m’a demandé de te parler. Il avait l’espoir fou de te faire réagir. Il s’est levé de sa chaise un peu plus loin et est venu t’embrasser en te murmurant la voix marquée par ses pleurs « Tu vois, tu vois, tout le monde vient te voir ; tout le monde est là pour toi ; réveille-toi ».
Je t’ai regardée. Et j’ai compris. Tu n’étais déjà plus là. Ton visage tiquait de temps en temps. Mais pas à cause du bruit extérieur ; plutôt à cause de la douleur dans laquelle tu étais noyée et que les hautes doses de morphine qui t’étaient administrées ne parvenaient plus à contrer. Les sourcils froncés, on aurait pu te croire perdue dans une intense réflexion. Je pense plutôt que tu te concentrais sur ta douleur ou alors sur des rêves ou visions d’un autre monde.
Je savais que tu ne m’entendrais pas mais il fallait que je te parle. Pour grand père ; je lui devais d’essayer. Pendant longtemps mes essais ont été vains ; j’ouvrais la bouche, je prenais une grande inspiration mais je ne parvenais pas à parler. Ma gorge était serrée. Et je ne pouvais m’arrêter de pleurer silencieusement. Quoi dire ?
Après quelques instants sous les regards de plus en plus désespérés de grand père j’ai réussi à parler. A peine le premier mot franchi qu’il sautait presque de sa chaise et s’approchait les yeux pleins d’espoir. A cette vue mon cœur s’est comprimé ; il voyait partir la personne qui avait partagé plus de 40 années de sa vie et il s’accrochait au moindre espoir. Mon discours était incohérent. Je n’arrêtais pas de répéter que j’étais désolée, que je t’aimais, que j’aurais dû te rendre visite plus tôt. J’ai dit que j’essaierais de réussir. A ce moment je me suis sentie parjure, j’étais en train de promettre une chose que je savais ne pas pouvoir accomplir. Même pour toi, ce qui me remplit encore plus de dégoût. Je me suis arrêtée de parler ne pouvant plus contrôler mes pleurs. J’étais désolée. De ne pas être venue plus tôt, de ne pas t’avoir dit au revoir croyant que tu ne pourrais pas mourir tant que je ne l’avais pas fait. Désolée que tu aies eu si peur de partir. J’espérais ardemment que tu avais compris et accepté ce qui arrivait. Désolée de ne pas avoir été à la hauteur ; à ta hauteur.
« J’aurais dû venir plus tôt ». Je crois avoir répété cette phrase plusieurs fois à voix haute car ta fille est venue s’installer près de moi alors que je pleurais de plus en plus. « Tu n’aurais rien fait de plus » me répétait-elle en me caressant les cheveux. Je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que je n’étais pas celle à consoler et je n’ai pas pu m’empêcher de garder des regrets. Mon chagrin me paressait insoutenable. Que devait-il en être pour les autres ? Quelques heures m’ont séparée de tes derniers instants lucides. Et quelques heures plus tard tu mourrais.
Je suis entrée dans la pièce avec appréhension. C’était un des moments pendant lesquels rien ne semble être important. Toutes mes pensées étaient désespérément tournées vers nos derniers instants ensembles. Et à mon plus grand regret, je ne parvenais pas à me les rappeler clairement. Cela avait-il été un bon moment ? T’avais-je fait comprendre l’ampleur de mon affection et de tout ce que tu représentais pour moi ?... Cela devait remonter à 3 semaines. Notre fratrie t’avait rendue visite et nous n’avions pas pu partir sans goûter à un de tes pains de viande fraîchement sorti du four. Je pense que c’était un bon moment. Tu étais dans un bon jour. Toi et grand-père nous aviez parlé de votre jeunesse. Là encore j’avais appris de nombreuses choses sur vous. Mais je réalisai que c’était le dernier moment. Le dernier pain de viande. Et beaucoup d’autres dernières choses. Certaines que j’oubliais déjà en maudissant ma mémoire.
Je me suis avancée et j’ai vu. J’ai vu grand-père les yeux rouges, les traits tirés et le visage gonflé d’avoir trop pleuré et surtout je t’ai vue toi. Mais était-ce vraiment toi ? On m’avait dit que tu n’étais plus vraiment consciente. Tu avais l’air endormie, la respiration lourde et bruyante. Je ne sais plus qui j’ai salué ni qui m’a invitée à me rapprocher. Je ne me rappelle même plus combien nous étions dans la pièce ; surement trop. Mais je me suis retrouvée assise à tes cotés. Je ne savais pas quoi faire. J’avais peur de te toucher. Grand-père m’a demandé de te parler. Il avait l’espoir fou de te faire réagir. Il s’est levé de sa chaise un peu plus loin et est venu t’embrasser en te murmurant la voix marquée par ses pleurs « Tu vois, tu vois, tout le monde vient te voir ; tout le monde est là pour toi ; réveille-toi ».
Je t’ai regardée. Et j’ai compris. Tu n’étais déjà plus là. Ton visage tiquait de temps en temps. Mais pas à cause du bruit extérieur ; plutôt à cause de la douleur dans laquelle tu étais noyée et que les hautes doses de morphine qui t’étaient administrées ne parvenaient plus à contrer. Les sourcils froncés, on aurait pu te croire perdue dans une intense réflexion. Je pense plutôt que tu te concentrais sur ta douleur ou alors sur des rêves ou visions d’un autre monde.
Je savais que tu ne m’entendrais pas mais il fallait que je te parle. Pour grand père ; je lui devais d’essayer. Pendant longtemps mes essais ont été vains ; j’ouvrais la bouche, je prenais une grande inspiration mais je ne parvenais pas à parler. Ma gorge était serrée. Et je ne pouvais m’arrêter de pleurer silencieusement. Quoi dire ?
Après quelques instants sous les regards de plus en plus désespérés de grand père j’ai réussi à parler. A peine le premier mot franchi qu’il sautait presque de sa chaise et s’approchait les yeux pleins d’espoir. A cette vue mon cœur s’est comprimé ; il voyait partir la personne qui avait partagé plus de 40 années de sa vie et il s’accrochait au moindre espoir. Mon discours était incohérent. Je n’arrêtais pas de répéter que j’étais désolée, que je t’aimais, que j’aurais dû te rendre visite plus tôt. J’ai dit que j’essaierais de réussir. A ce moment je me suis sentie parjure, j’étais en train de promettre une chose que je savais ne pas pouvoir accomplir. Même pour toi, ce qui me remplit encore plus de dégoût. Je me suis arrêtée de parler ne pouvant plus contrôler mes pleurs. J’étais désolée. De ne pas être venue plus tôt, de ne pas t’avoir dit au revoir croyant que tu ne pourrais pas mourir tant que je ne l’avais pas fait. Désolée que tu aies eu si peur de partir. J’espérais ardemment que tu avais compris et accepté ce qui arrivait. Désolée de ne pas avoir été à la hauteur ; à ta hauteur.
« J’aurais dû venir plus tôt ». Je crois avoir répété cette phrase plusieurs fois à voix haute car ta fille est venue s’installer près de moi alors que je pleurais de plus en plus. « Tu n’aurais rien fait de plus » me répétait-elle en me caressant les cheveux. Je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que je n’étais pas celle à consoler et je n’ai pas pu m’empêcher de garder des regrets. Mon chagrin me paressait insoutenable. Que devait-il en être pour les autres ? Quelques heures m’ont séparée de tes derniers instants lucides. Et quelques heures plus tard tu mourrais.
- Yumno
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Re: Je suis entrée dans la pièce avec appréhension
Sam 7 Mar - 18:57
c'est touchant ...
- InvitéInvité
Re: Je suis entrée dans la pièce avec appréhension
Sam 7 Mar - 19:07
Ton texte est très beau.
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