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Crier tout bas Empty Crier tout bas

Jeu 26 Juil - 16:09
Bonjour, c'est la première fois que je publie ce texte, mais pas la première fois que je le dévoile (juste aux yeux de deux enseignants). C'est une partie de moi, prenez en grand soin Smile j'espère qu'il vous plaira et qu'il vous parlera quelque peu... ou peut-être beaucoup (?)

Bonne lecture
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Crier tout bas Empty Re: Crier tout bas

Jeu 26 Juil - 16:11
Crier tout bas :

Le jour de la rentrée, elle se tenait là, en face de nous, l’épaule appuyée contre le mur. Elle nous regardait avec indifférence, avec un air qu’ils trouvaient provocateur, elle avait l’air très sûre d’elle aussi, un peu comme si elle était invincible. Elle se foutait totalement des saloperies qu’ils pouvaient lui dire. Moi, j’étais dans ce groupe, je me faisais petite et les observais. Leurs attaques ne fonctionnaient pas, cela les énervait plus qu’autre chose et… c’était humiliant pour eux de devoir s’avouer vaincus.

Mais Jennifer tenta une dernière approche et l’aborda :

- « Alors, tu préfères brouter le gazon plutôt que d’avoir une relation NORMALE ? Tu sais N-O-R-M-A-L-E, comme tout le monde, espèce de sale gouine dégueulasse », lui lança-t-elle sur un ton menaçant et sec.

- « Tu sais, je préfère brouter à l’air libre plutôt que de le faire avec un poteau en plein visage, pour m’exprimer avec la plus grande des POLITESSES. Tu sais la P-O-L-I-T-E-S-S-E, le truc qui ne sera jamais à ta portée. », reprit Ava, sur un ton calme, le sourire aux lèvres.

Jennifer, ainsi que nous tous, sommes restés bouche bée face à cette réplique. Puis, Ava tourna les talons et s’en alla de son côté. Jennifer, quant à elle, se mit à nous hurler une liste d’insultes incompréhensibles à cause de sa frustration et de sa voix tremblante de rage.

Simon nous dit :

- « Depuis la rentrée, on ne peut plus rien en faire… elle nous envoie chier comme un rien ! »

Eric s’y mit également :

- « Ouais, autant l’année passée on lui en a fait voir de toutes les couleurs, autant cette année… c’est à nous qu’elle en fait voir de belles… »

« Je me demande pourquoi elle a changé aussi radicalement », pensai-je. Puis la sonnerie retentit et nous rentrâmes dans l’enceinte de l’école, la rage au ventre.

Ava entra la dernière. À peine passée le seuil de la classe, tout le monde la regarda, ferma son clapet et des chuchotements se firent entendre…

- « Putain mais regarde comme elle se prend pas pour de la merde celle-là ! » me dit Jennifer, assise à côté de moi et encore tout énervée par ce qui s’était passé dans la cour tout à l’heure.

- « Ben… elle se croit différente avec son orientation… » et, sur un ton hésitant, « sûrement qu’elle pense être exceptionnelle… »

- « J’sais pas ! Mais si elle croit qu’elle va faire sa loi comme ça cette sale conne, elle se trompe ! »

Jennifer se tut pendant le reste du cours, sans doute pour ruminer l’échec cuisant de la récréation.

« Quand j’y pense », me dis-je « cela fait depuis petites qu’elle et moi trainons ensemble, mais plus le temps passe, plus j’ai de mal à la supporter. Le problème est que, si je ne suis plus amie avec elle, qui sera ami avec moi ? Personne je suppose. D’ailleurs, même elle je doute qu’elle éprouve une certaine affection pour moi. Il n’y a que pour dire de la méchanceté sur les autres qu’elle s'adresse à moi. Ses sorties, elle les fait avec Léa, cette blondasse superficielle et Marie cette connasse qui se prend pour le centre du monde. Moi, et bien je ne suis qu’un « passe-temps » scolaire pour elle. »

Perdue dans mes pensées, je me fis réveiller par le professeur de mathématiques.

- « Ellen, le calcul littéral t’ennuie tant que ça ? Tu peux sortir sans autre si tu n’as rien à faire de ce que je raconte ! »

Jennifer me regarda comme si je devais lui prouver quelque chose avec la proposition de l’enseignant, comme si son regard voulait dire « allez, vas-y, dis-moi que tu as des couilles ». Je pris mon courage à deux mains :

- « Oui, j’ai mieux à faire figurez-vous ! »

Je ramassai mes affaires et déguerpis sur le champ en me dirigeant vers la sortie, laissant une classe très surprise par mon comportement vraiment inhabituel. « Moi, la fille qui ne dis jamais rien, j’ai osé prouver que j’avais quelque chose dans le ventre ! », me complimentai-je. Je m’apprêtais à refermer la porte quand soudain, je remarquai qu’Ava m'observait discrètement. Je me sentis gênée en le remarquant.

« Que peut-elle penser », me demandai-je en parcourant le couloir pour rentrer chez moi. Cette question me travailla jusque dans ma chambre où quelques minutes plus tard, j’entendis mon père rentrer.

- « Tu es déjà là toi ? »

- « J’suis en face de toi donc oui, j’suis déjà là… ! » lui répondis-je d’une manière plutôt arrogante.

- « Ma grande, t’as vraiment intérêt à me causer autrement si tu ne veux pas t’en manger une, c’est clair ? »

- « Ou… oui… », lui murmurai-je quelque peu apeurée.

Mon père ne plaisante jamais quand il menace de me donner une gifle ou deux.

- « Alors ? Pourquoi t’es revenue plus tôt hein ? »

- « J’en avais marre du cours de maths, j’me suis fait engueuler et j’suis partie ! »

- « Tu te fous de moi ? » hurla-t-il. « C’est quoi pour une connerie ça ? »

- « Tu étais pas là d’accord ? Alors cause pas quand tu sais pas ! »

Puis il m’en colla une sur la joue gauche.

- « Je sais pas ce qui me retient de t’en mettre une autre à droite ! »

- « Ouais c’est ça, vas-y, c’est pour ça que t’as fait un gosse ? »

Finalement, je filai dehors en prenant un peu d’argent et mon téléphone portable en me dirigeant vers le parc.

« Quelle espèce de gros con », pensai-je. « Des baffes et encore des baffes, il y a que ça dans son langage ! », pensai-je avec un sentiment d’énervement.

Au premier banc venu, je me posai et je mis mes écouteurs.

« Ah m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toi et regarder les gens tant qu’y en a, te parler du bon temps qu'est mort ou qui r'viendra en serrant dans ma main tes p'tits doigts… ».

« J’adore cette reprise de Cœur de Pirate, elle me fait rêver et retomber en enfance… » J’étais sur mon banc, comme dans la chanson, mais je me demandais quels petits doigts j’allais serrer dans mes mains, moi. C’est vrai, qui s’intéresserait à moi, je suis tout ce qu’il y a de plus banale comme fille… J’ai les cheveux longs, bruns et raides. Je ne suis pas très grande et je suis aussi plate qu’une planche. Les garçons ne me regardent pas mais moi non plus je ne les regarde pas il faut dire… Ceux de ma classe sont plutôt cons, c’est peut-être compréhensible que je ne m’y intéresse pas finalement. Après réflexion, si personne ne me regarde c’est peut-être parce que je ne regarde personne. Je n’ai pas de style particulier moi… c’est peut-être ça ?

Ensuite, Ava vint s’immiscer dans mes pensées.

« Ah ben oui », me dis-je, « elle, c’est clair que tout le monde va la regarder ». Avec ses longs cheveux noirs et bouclés retombant en cascade sur ses épaules, ses grands yeux bruns recouverts de fard à paupière noir dont les sourcils en soulignent les contours, ses très longs cils, que même les pubs de l’Oréal ne sauraient pas égaler, tous ces détails me rendaient à la fois admirative et jalouse. Enfin, sa bouche fine recouverte de rouge à lèvre couleur sang et les deux piercings servant de parures à sa lèvre inférieure avaient attiré mon attention dès le premier regard. Elle ne peut passer inaperçue, c’est ancré en elle.

Son style vestimentaire plutôt punk/rock avec des pics partout, ses pantalons délavés, sa veste en cuir noire, ses t-shirts à l’effigie de vieux groupes de rock, mais encore ses bottines noires ou ses converses en cuir ne pouvaient pas laisser indifférent. Ce qui nous choque le plus chez elle… enfin… ce qui choque les autres, ce sont ses deux bras couverts de tatouages. « Moi, je trouve ça magnifique ». Elle me fait penser à Cœur de Pirate, ma chanteuse favorite. Je pourrais passer mes journées à tracer les contours de ses tatouages du bout de mes doigts, ils sont magnifiques et colorés. Quand j’y pense, si j’avais un peu de courage, je ferais la même chose.

À mesure que mes pensées se faisaient de plus en plus nombreuses, les heures avançaient aussi.

« J’ai envie d’un Coca… mais j’ai pas envie de rentrer », me dis-je.

L’envie me prit d’aller faire un tour au BlackCat’s Bar. Si mon intuition était bonne, je ne devais croiser aucun élève de ma classe là-bas. Selon eux : « c’est un bar pour les vieux de quarante ans »… « J’en ai dix-huit, si les quadragénaires sont vieux, alors que suis-je ? Finalement, j’ai envie qu’on me laisse tranquille pour ce soir, le temps que je me prépare psychologiquement à recevoir des remarques demain en cours ». J’optai donc pour ce bar-là.

Une fois arrivée sur place, je m’assis dans un coin plus ou moins en face de la scène où trônait un grand piano à queue noir et luisant. « S’il était doté de vie, je suis sûre qu’il serait fier de lui, il est tellement beau », pensai-je en étant comme charmée par le charisme de ce grand instrument à cordes.

À ce moment-là, le regret de ne pas savoir jouer d’un tel instrument se fit sentir.

« Encore un coup de Cœur de Pirate », me dis-je. « La meilleure pianiste à mes yeux… ». Je soupirai profondément et vis le serveur accourir vers moi.

Sans qu’il m’accorde un bonsoir, je lui dis :

- « Un Coca s’il-vous-plaît. »

Ensuite, il repartit sans me dire un mot et revint quelques minutes plus tard en me demandant directement l’addition… « Pour ça, il sait parler », pensai-je.

Ainsi, je me retrouvai seule dans mon coin. Je commençai à déprimer en repensant à mon comportement d’aujourd’hui, à mon père qui allait me refaire le portrait quand je rentrerai et ma non-popularité auprès des garçons mais aussi à Ava. Au fond, elle ne m’a jamais rien fait… je suis juste trop faible pour tenir tête à Jennifer… C’est sans doute la personne qui me fait le plus de mal quand j’y pense …

À ce moment-là, j’entendis le piano chanter une mélodie qui m’était familière et qui me sortit immédiatement hors de mes pensées, une mélodie que j’affectionnais énormément…Puis une voix, celle d’une femme, vint s’entremêler au chant du piano.

« Le temps d’un souffle coupé par un soir tardif d’été, les anges partirent avant et leur visage tâché de blanc, je crois qu’il est trop tard pour t’avouer que j’ai mal à mon cœur mourant et mes souvenirs tâchés de blanc… ».

À ce moment-là, mon cœur fît un bond sans se faire attendre.

« Wow », pensai-je, « c’est la journée Cœur de Pirate aujourd’hui. »

J’ai même espéré que ce soit elle sur cette scène mais en vain, c’était mal éclairé et de là où j’étais, la vue n’était pas idéale. De plus, je reconnaîtrais sa voix entre mille et celle-ci n’était pas sienne…

Même si ma déception était apparente, elle ne dura que quelques secondes… Cette chanteuse… elle m’a donné des frissons jusque dans les os rien qu’en chantant. Cette sensation m’était inconnue. C’était quelque chose que je n’avais jamais ressenti auparavant. Je restai assise à ma table à l’écoute de cette délicieuse interprétation tout en sirotant mon verre de boisson capitaliste.

Mon bonheur fut de courte durée quand je remarquai qu’il était déjà 22 heures et 47 minutes. J’allais forcément me prendre une énorme rouste étant donné que ma mère m’avait appelée onze fois. Je pris mes jambes à mon cou pour rentrer le plus vite possible chez moi tout en cherchant une explication valable.

Une fois arrivée sur les lieux avec une excuse en béton, ça n'empêcha pas mon père de m’en coller une autre, en béton elle aussi.



Le lendemain matin fut quelque peu difficile, le réveil surtout. Comme je suis une grande paresseuse, j’apprécie tout particulièrement aller me coucher aux alentours de 20h30, comme les enfants, cela me permet d’avoir dix heures de sommeil. Ce qui ne m’a pas empêchée, ce matin, de me réveiller avec deux heures de retard ! À peine eus-je constaté cette catastrophe que je sautai hors de mon lit, me préparai en un temps record et fonçai dehors en direction de l’école. En plus, j’étais doublement à côté de la plaque : j’avais oublié la moitié de mes cours chez moi… « Une journée qui commence bien, visiblement ». Je ne savais pas encore ce qui m’attendait à ce moment-là.

Après une course contre-la-montre pour tenter de gagner ne serait-ce que quelques précieuses petites secondes sur les cours de la journée, j’arrivai enfin en classe avec comme l’impression de mourir après avoir couru des kilomètres.

Tous les regards étaient rivés sur moi… même Ava me fixait à nouveau… mais cette fois-ci, elle esquissait pour moi un sourire derrière lequel on pouvait y voir une certaine douceur.

Je pris place à côté de Jennifer, comme à mon habitude.

Elle entama la conversation avec moi.

- « Alors ? Tu fais ta grosse maintenant ? Tu tiens tête au prof de maths, pis tu sèches le premier cours », me dit-elle à mi-chemin du fou rire.

- « T’aurais dû voir la tête qu’il a tiré quand t’es partie », reprit-elle, en ponctuant sa phrase par un « ce pauvre con ».

- « Il y réfléchira à deux fois avant de me provoquer comme ça », lui dis-je avec une fausse fierté qui cachait ma gêne et mon repenti.

La prof de français me coupa pendant que je racontais mes pseudo-prouesses à voix basse à Jennifer.

- « Mademoiselle Warner, que vous arriviez en retard ne me pose aucun problème, mais que vous parliez pendant que je donne des explications, là, ça devient mon problème. Vous êtes donc priée de vous taire ou je vous offre un aller-simple pour le bureau du directeur. »

Jennifer prit la mauvaise initiative de me défendre en avançant des arguments du type : « changez de disque » ou encore « vous avez que ça comme menace valable ? ». Finalement, c’est elle qui bénéficia de mon aller-simple pour rendre visite au directeur… à peu près au même moment où la sonnerie annonça le début de la récréation.

« Ah ! Jennifer doit être vachement sur les nerfs », me dis-je, puis je sortis dans la cour pour rejoindre les autres.

Simon vint vers moi pour me « féliciter » d’avoir envoyée Jennifer tout droit chez le « gras du bide », parce que « tu vois, c’est bien fait pour sa gueule » ou « elle fait trop sa grosse, faut qu’elle assume ». J’acquiesçai en hochant de la tête pour ne pas créer de conflits avec eux. Jennifer était déjà assez chiante à supporter. Je n’osais pas imaginer ce que ce serait si elle se mettait contre moi. Parfois, je me disais qu’Ava avait une grande force pour pouvoir l’ignorer. Je n’arrivais plus à supporter Jennifer, mais je n’osais pas le dire… « Je n’assumerais pas de recevoir des insultes ou des sales coups de sa part, je crois que je suis trop faible… », me dis-je.

Quelques minutes plus tard, j’entendis quelqu’un venir vers moi, je me retournai dans sa direction et fus très étonnée quand je remarquai qu’Ava s’approchait de moi, oui, de moi et personne d’autre. Elle me sourit, comme jamais je ne l’avais vue sourire, ce qui me laissa vraiment perplexe et très mal à l’aise.

« Bonjour, Ellen » me dit-elle avec son grand sourire, « ça m’a fait très plaisir de te voir hier soir, j’espère en avoir encore l’occasion aujourd’hui. »

Je crois qu’à ses paroles, mon visage changea de couleur en l’espace de quelques centièmes de secondes.

« Où ? Comment ? Pourquoi ? ». J’étais tellement paniquée que je débitais au moins dix mots par secondes.

Ava me reprit, « hier soir voyons, seule dans ton coin, tu aurais pu venir me saluer ».

J’étais perdue, d’un côté il y avait mes amis qui me regardaient comme si j’avais commis un meurtre, et de l’autre Ava qui prétendait m’avoir vue hier soir, alors que j’étais seule dans ce bar avec pour seul compagnon de galère cet abruti de barman pas fichu de dire bonsoir. J’avais beau réfléchir, ce qui était encore plus difficile qu’en temps normal vu mon angoisse. Rien, pas d’Ava dans mon champ de vision d’hier soir.

- « À ce soir j’espère », me dit-elle, toujours avec le même sourire, « décidément elle sourit beaucoup aujourd’hui », pensai-je, puis elle partit.

Je tentai de la rattraper, ma main s’agrippa à son bras.

- « Attends ! », m’exclamai-je, un peu essoufflée, puis je repris : « de quoi tu parles Ava ? Je ne te suis pas… ».

- « Ne t’en fais pas ma belle, tu me remarqueras bien assez vite… » me répondit-elle le visage illuminé par ce sourire qu’on ne pouvait visiblement plus effacer. Il me mit mal à l’aise, si mal à l’aise que je ressentis une sensation bizarre, mais agréable, dans le plus profond de mon ventre.

Puis, elle partit de son côté sans même se retourner. Inutile de dire que les minutes qui suivirent furent sans doute les pires de ma vie. J'eus droit à une foule de questions de la part de mes « amis ». « Quand ? Qui ? Où ? Pourquoi ? Comment ? » J’angoissais, je ne savais pas pourquoi mais j’angoissais ! Sûrement parce que j’avais peur des représailles, j’avais tout de même parlé à Ava, la nana qu’il ne fallait surtout pas approcher !

J’avais un peu de mal à croire qu’elle soit venue me parler !

« Elle est venue me parler, à moi, je l’ai même touchée ! », j’eus vraiment peur pour la suite. Cependant, j’étais comme réjouie d’avoir pu m’approcher d’elle, je me sentais chanceuse, je ne savais pas m’expliquer pourquoi. Quelques minutes plus tard je retournai vers les autres, j’étais tellement chamboulée que je ne fis plus attention à leurs questions, leurs menaces et pour finir leurs insultes.

« Je ne comprends pas », me dis-je… Et la journée s’écoula avec toujours la même question en tête « Où t’ai-je vue, Ava ? ».



Le soir même, je me rendis au BlackCat’s toute seule. J’avais besoin de penser à autre chose car j’angoissais à l’idée de revoir cette idiote de Jennifer… Plus j’y pensais, plus j’avais envie de lui mettre une claque !

« Ça lui apprendrait à ne pas se mêler de son cul ! », pensai-je, le sourire aux lèvres.

Ce soir, une serveuse s’approcha de moi :

- « Bonsoir mademoiselle, que puis-je vous servir ? ».

Elle était souriante et aimable, ce qui changeait du serveur de l’autre soir.

Comme à mon habitude, je répondis « un Coca, s’il vous plaît ».

Elle partit après m’avoir adressé un « oui » suivi d’un sourire, ce qui me fit plaisir, mais pas autant que les nombreux sourires d’Ava aujourd’hui. J’y repensais sans cesse, jusqu’à ce qu’une ombre s’avance vers le piano pour y prendre place. Les projecteurs s’allumèrent, baignant de lumière la scène et la silhouette que j’avais repérée quelques minutes auparavant.

Mes yeux s’écarquillèrent, mon cœur fit un bond, mon souffle se coupa. Je n’en revenais pas, cette femme qui chantait divinement bien l’autre soir, celle qui m’avait donné des frissons jusque dans les os n’était autre qu’Ava.

- « Elle chante bien, hein ? Chaque fois que je l’entends j’en ai des frissons », me dit la serveuse. « De plus, ils ont remis à neuf ces fichus projecteurs ! ».

Je ne devais pas être belle à voir, ma bouche était grande ouverte et mes yeux remplis d’étonnement et Dieu sait à quel point je devais être ridicule.

Elle donna le meilleur d’elle-même pendant une demi-heure. Jamais je n’avais ressenti autant d’émotions.

Elle quitta la scène et partit dans le couloir adjacent. À peine avait-elle disparu, que je me levai pour la suivre. Même si l’accès était interdit, ma curiosité prit le dessus et me poussa à aller à sa rencontre.

«Ah ! Te voilà Ava ! », lui criai-je. Elle sursauta et se retourna aussitôt avec beaucoup de stupeur dans le regard. Ce dernier me fit frissonner et je me rendis compte qu’Ava n’était finalement pas aussi indifférente qu’elle le laissait paraitre.

- « Tu m’as fait peur Ellen ! J’étais encore dans ma musique et tu viens me secouer comme ça ! ».

- « Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur ! Je voulais juste te féliciter pour ton interprétation des chansons de Cœur de Pirate ! Je… Enfin,… », je bégayais, je n’arrivais plus à me reprendre, quelque chose m’impressionnait.

- « Je ne pensais pas te mettre si mal à l’aise, tes joues sont presque de la même couleur que mon rouge à lèvres… », me fit-elle en souriant.

Je ne pu m’empêcher de regarder ses lèvres, son sourire. Je pris mon courage à deux mains et lui dit : « Je suis désolée de m’être mal comportée envers toi. Je n’ai pas le courage d’affronter Jennifer et le reste… », elle me coupa.

- « Ne t’en fait pas, je ne t’en veux pas. Je sais ce que tu vaux vraiment, mais tu ne devrais pas laisser les autres décider pour toi ou mal agir pour leur faire plaisir. Cela te fera juste du tort… ».

- « Merci d’accepter mes excuses… ça te dit qu’on apprenne à se connaitre davantage ? J’aime beaucoup ce que tu fais et je me demandais aussi si tu ne pouvais pas m’apprendre à jouer du piano… ».

- « Avec plaisir mais il va falloir supporter une prof perfectionniste, sache-le. », me confia-t-elle en souriant.

- « J’accepte le défi ! », lui répondis-je, pleine d’enthousiasme.

- « Je suis contente de pouvoir passer du temps avec toi… », me murmura-t-elle, « Je peux te confier quelque chose ? ».

- « Bien-sûr », répondis-je.

- « Je suis quelqu’un qui dit les choses franchement. Je ne vais donc pas y aller par quatre chemins… cela fait longtemps que je t’observe et je crois que tu me plais. », me fit-elle en souriant avec un air sûr d’elle.

Je tremblai, baissai les yeux. Je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait. Je ressentais une sensation bizarre au fond de moi, si forte que je crus m’évanouir.

Elle me sourit, prit ma main, pour me rassurer et me dit : « raconte-moi qu’on puisse trembler ensemble… Raconte-moi qu’on puisse crier tout bas… ».



*************

Pendant que je me remémorais le début de notre histoire, le sourire aux lèvres, elle était dans mes bras, endormie. Je regardais le feu crépiter dans notre cheminée, son bruit m’apaisait. La lumière provenant de cette dernière faisait luire les côtes noires du piano d’Ava. Elle éclairait les partitions jonchées sur le sol, tout autour de lui.

J’entendais le clocher sonner les douze coups de minuit. J’entendais quelques voitures passer dans la rue. J’entendais la respiration d’Ava, calme et apaisée.

Je serrais ma chanteuse dans mes bras, caressais ses longs cheveux noirs. J’étais émue en me disant, qu’aujourd’hui même, cela faisait quelques années déjà que nous nous supportions l’une l’autre, que le lycée, Jennifer, le prof de math et mon père un peu lourds étaient loin, que je ne devais plus compter sur qui que ce soit pour vivre ma vie comme je l’entendais.

Je regardais Ava, toujours endormie. Sa chaleur me rassurait, son odeur m’enivrait, les battements de son cœur me berçaient.

J’admirais la plume aux couleurs de l’arc-en-ciel tatouée sur son pied droit, ainsi que les nombreux autres tatouages trônant sur ses bras, et aussi sa bouche, que je ne me lassais jamais d’embrasser et ses longs cils que je lui enviais encore aujourd’hui. Je serrais ses toutes petites mains doucement dans les miennes. Tous ces petits détails m’avaient marquée depuis longtemps désormais.

Finalement, j’observai son sac à main posé sur la table. Ses boîtes de maquillage étaient dispersées un peu partout sur le meuble. J’y voyais son rouge à lèvres Lancôme, son vernis à ongles rouge, son Smartphone, son porte-monnaie… et enfin, à son trousseau, j’y voyais notre clé.
samhea
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Crier tout bas Empty Re: Crier tout bas

Jeu 26 Juil - 20:50
cheers C'est excellent ! J'ai dévoré (mais en en prenant soin quand même !) ton texte...

Dis, y'a une suite...? TropChou

C'est pas que je n'ai rien d'autres à dire sur tes mots, mais je ne trouve pas les miens.
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Crier tout bas Empty Re: Crier tout bas

Jeu 26 Juil - 21:28
Un grand merci à toi. De savoir que cela te plait me fait grandement plaisir (et cela faut tous les mots du monde Very Happy). Pour la suite : un jour peut-être ^^'
Sheena.
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Crier tout bas Empty Re: Crier tout bas

Ven 27 Juil - 14:10
Coucou à toi Smile

J'aime beaucoup, je trouve que la lecture est fluide et la chute est bien travaillée. Tu n'as pas à avoir honte de poster tes textes, je guetterai un peu chaque jour voir si tu postes.

J'aime comme le texte s'aère avec les dialogues, on retrouve de la longueur ; tout juste ce qui faut pour ne pas paraître bourratif.

Au plaisir de te lire encore !
samhea
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Crier tout bas Empty Re: Crier tout bas

Ven 27 Juil - 14:13
Ne me remercie pas ! Je sais a quel point oser montrer ce qu'on écrit peut être flippant, et que même si on attends autant les critiques que les compliments, ça fait du bien de se dire que quelqu'un a compris, a aimé. Alors merci à toi et j'attendrais patiemment une suite. Et s'il n'y en a pas, j'attendrais patiemment que tu nous partages autre chose. Il y a beaucoup de beauté dans tes mots...
Jiiad
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Crier tout bas Empty Re: Crier tout bas

Dim 5 Aoû - 22:55
J'ai beaucoup aimé. Tu m'as fait rire et sourire. Merci pour tes mots !
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