un témoignage d'une vie étrange
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minipoussin
Flork
swidou
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- swidou
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un témoignage d'une vie étrange
Jeu 4 Aoû - 0:54
Mon ordinateur indique minuit en bas de l'écran. Je suis tombée sur ce site par hasard. moi aussi j'aime beaucoup écrire.
mais un peu comme n'importe quel art, je ne sais pas si cela fait vraiment du bien. Quand tu écoutes certaines musiques tu sens la torture psychologique que certains artistes ressentent. Et c'est la même chose pour le dessin, pour tout autre art.
si je réfléchis, et je réfléchis beaucoup trop, je pense que l'Homme a inventé l'art pour apaiser ses angoisses et ses souffrances. Combien de livres de coloriages pour adultes, combien d'abonnements sur deezer et spotify avec des playlists "joies de vivre".
J'ai toujours été quelqu'un de très malheureux. Je ressens comme un vide en moi avec dans le même temps comme une culpabilisation qui me dit qu'il faut aimer la vie malgré tout. Avec des bons moments, des proches qu'on aime.
J'ai une existence très compliquée. je suis mal partie, un père pas méchant dans le fond mais alcoolique et très malheureux. Une mère qui se battait et que j'admire. Enfin je crois. Je viens d'une petite ville du nord de la France. Mes parents ne roulaient pas sur l'or. Ma mère a vécu beaucoup de drames dans sa vie.
et puis j'ai voulu me "battre" contre mon père et tout ce qu'il représentait. la peur, la frustration, le défaitisme, le chagrin noyé dans l'alcool, la violence verbale et physique, bref l'enfance "gâchée".
J'ai fais une prépa et je suis entrée à normal sup en me noyant dans le boulot. J'avais un copain, le gendre idéal, tout pour plaire à ma mère. Et c'est la que ça a pété. trop de choses d'un coup. Un milieu social qui finalement ne me convenait pas, un copain que je n'aimais pas vraiment. une homosexualité refoulée depuis 10 ans. Tout était faux. Tout était la pour combler une souffrance, un mal-être de ne pas plaire à je ne sais qui.
Mon père voulait-il me voir aussi malheureuse que lui? Je lui en veux toujours un peu. Au fond je pense que c'était un enfant, il n'aurait pas du avoir d'enfants, c'est la vie qui l'a amené à le faire par obligation. histoires familiales sordides. je suis bien la "cas sociale" que je cherchais à tout prix à éviter.
Et ca a craqué, cette souffrance s'est exprimée par plusieurs tentatives de suicide et à ce jour deux hospitalisations. Mais des gens m"ont aidée. aujourd'hui cette souffrance s’apaise jour après jour. j'ai une copine qui m'aime et que j'aime et qui connaît toute mon histoire. Qui croit en moi malgré tout. Je me cherche encore un peu professionnellement mais j'ai des possibilités. Je vois la vie sous un autre angle.
mon père est placé sous curatelle. C'est devenu un petit vieux pas méchant. Et je crois que je lui pardonne.
voila mon histoire dans les grandes lignes. j'aime beaucoup écrire toutes ces choses intimes. l'écriture m'aide beaucoup. et la musique aussi. je suis peut être moins désabusée qu'avant et avec un peu de joie de vivre et un sourire de temps en temps. je me sens plus apaisée.
je ne sais si ma vie étrange et avec certains aspects sordides a pu intéresser quelqu'un mais moi ca m'a fait beaucoup de bien de l'écrire.
j'écrirais à nouveau sur d'autres passages, notamment le coming out, le soulagement, l'aide que j'ai reçue.
Bonne nuit à toutes.
mais un peu comme n'importe quel art, je ne sais pas si cela fait vraiment du bien. Quand tu écoutes certaines musiques tu sens la torture psychologique que certains artistes ressentent. Et c'est la même chose pour le dessin, pour tout autre art.
si je réfléchis, et je réfléchis beaucoup trop, je pense que l'Homme a inventé l'art pour apaiser ses angoisses et ses souffrances. Combien de livres de coloriages pour adultes, combien d'abonnements sur deezer et spotify avec des playlists "joies de vivre".
J'ai toujours été quelqu'un de très malheureux. Je ressens comme un vide en moi avec dans le même temps comme une culpabilisation qui me dit qu'il faut aimer la vie malgré tout. Avec des bons moments, des proches qu'on aime.
J'ai une existence très compliquée. je suis mal partie, un père pas méchant dans le fond mais alcoolique et très malheureux. Une mère qui se battait et que j'admire. Enfin je crois. Je viens d'une petite ville du nord de la France. Mes parents ne roulaient pas sur l'or. Ma mère a vécu beaucoup de drames dans sa vie.
et puis j'ai voulu me "battre" contre mon père et tout ce qu'il représentait. la peur, la frustration, le défaitisme, le chagrin noyé dans l'alcool, la violence verbale et physique, bref l'enfance "gâchée".
J'ai fais une prépa et je suis entrée à normal sup en me noyant dans le boulot. J'avais un copain, le gendre idéal, tout pour plaire à ma mère. Et c'est la que ça a pété. trop de choses d'un coup. Un milieu social qui finalement ne me convenait pas, un copain que je n'aimais pas vraiment. une homosexualité refoulée depuis 10 ans. Tout était faux. Tout était la pour combler une souffrance, un mal-être de ne pas plaire à je ne sais qui.
Mon père voulait-il me voir aussi malheureuse que lui? Je lui en veux toujours un peu. Au fond je pense que c'était un enfant, il n'aurait pas du avoir d'enfants, c'est la vie qui l'a amené à le faire par obligation. histoires familiales sordides. je suis bien la "cas sociale" que je cherchais à tout prix à éviter.
Et ca a craqué, cette souffrance s'est exprimée par plusieurs tentatives de suicide et à ce jour deux hospitalisations. Mais des gens m"ont aidée. aujourd'hui cette souffrance s’apaise jour après jour. j'ai une copine qui m'aime et que j'aime et qui connaît toute mon histoire. Qui croit en moi malgré tout. Je me cherche encore un peu professionnellement mais j'ai des possibilités. Je vois la vie sous un autre angle.
mon père est placé sous curatelle. C'est devenu un petit vieux pas méchant. Et je crois que je lui pardonne.
voila mon histoire dans les grandes lignes. j'aime beaucoup écrire toutes ces choses intimes. l'écriture m'aide beaucoup. et la musique aussi. je suis peut être moins désabusée qu'avant et avec un peu de joie de vivre et un sourire de temps en temps. je me sens plus apaisée.
je ne sais si ma vie étrange et avec certains aspects sordides a pu intéresser quelqu'un mais moi ca m'a fait beaucoup de bien de l'écrire.
j'écrirais à nouveau sur d'autres passages, notamment le coming out, le soulagement, l'aide que j'ai reçue.
Bonne nuit à toutes.
- Flork
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Jeu 4 Aoû - 7:05
Belle prose, j'ai eu plaisir à lire . Je guetterai tes prochains écrits.
- InvitéInvité
Re: un témoignage d'une vie étrange
Jeu 4 Aoû - 8:14
Je dois avouer que je suis impressionnée par le recul et la maturité que tu as sur l'analyse de ton existence, au vue de ton jeune âge. Cela prend en général pas mal d'années. C'est bien que tu aies trouvé une personne que tu aimes et avec qui tu te sentes en confiance pour parler.
- fennec
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Jeu 4 Aoû - 10:51
je ne trouve pas que ta vie soit étrange swidou. en fait je trouve que la vie en elle même est insolite. ce je ne sais quoi capable d'animé des bout de rien. ce simple concept me donne le vertige parce que j'y vois de façon systématique une mise en abyme de formes et d’expériences qui forcement échappent complétement à notre condition d'être charnelle pensant.
voilà que je m'égare ... bienvenue parmi nous
voilà que je m'égare ... bienvenue parmi nous
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Jeu 4 Aoû - 10:59
merci pour ce message de bienvenue les filles.
j'écrirais à nouveau quand j'en sentirais le besoin ou l'envie. C'est vrai que j'ai pas mal de recul, car je suis quelqu'un qui réfléchis beaucoup, beaucoup trop et qui tente parfois de s'auto-psychanalyser....
renarde aussi semble beaucoup réfléchir :-)
disons que ma vie n'est pas "banale". C'est vrai que notre vie nous échappe un peu à tous.
bonne journée à vous !!!
j'écrirais à nouveau quand j'en sentirais le besoin ou l'envie. C'est vrai que j'ai pas mal de recul, car je suis quelqu'un qui réfléchis beaucoup, beaucoup trop et qui tente parfois de s'auto-psychanalyser....
renarde aussi semble beaucoup réfléchir :-)
disons que ma vie n'est pas "banale". C'est vrai que notre vie nous échappe un peu à tous.
bonne journée à vous !!!
Re: un témoignage d'une vie étrange
Ven 5 Aoû - 15:11
Je viens de te lire et psychologiquement parlant je me retrouve en toi concernant pas mal de points ...
je suis contente pour toi que tu ailles mieux et que tu aies au la maturité nécessaire de te relever après tout ce que tu as vécu, de voir les choses avec un regard positif et de n'avoir pas laisser le mal être te gagner et la souffrance dicter ta vie
Ravie de faire ta connaissance
je suis contente pour toi que tu ailles mieux et que tu aies au la maturité nécessaire de te relever après tout ce que tu as vécu, de voir les choses avec un regard positif et de n'avoir pas laisser le mal être te gagner et la souffrance dicter ta vie
Ravie de faire ta connaissance
- swidou
- Localisation : île de france
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Ven 5 Aoû - 16:52
Ravie de te connaître aussi Paradox. :-)
Swidou épisode 2: le coming out. le texte est un peu décousu et long mais mon coming out aussi a été long et décousu et les indices sont venus petit à petit...
merci à celles qui auront l'envie ou le courage de me lire!
Au fond, je le savais déjà dès la classe de 4ème. J'étais attirée par les filles. Je ne pensais pas aux garçons. Pas de réel petit ami avant le lycée, et puis finalement le fameux "gendre idéal" que j'ai rencontré à 17 ans et avec lequel je suis restée 5 ans et qui était à l'époque mon meilleur ami, celui qui connaissait mes problèmes familiaux et m'aimait sincèrement. Je souhaitait au fond de moi qu'il reste avec moi car je l'aimais, mais je le sais maintenant, pas à la façon dont on aime un amoureux.
Il y a bien eu un nouvel indice vers 17 ans avec l'épisode Camille P. Une soirée bien arrosée , la "soirée de la fête du bac", où j'ai pu comprendre et refouler encore plus. Camille. Cette fille était rayonnante, insouciante, belle, drôle. Rien que son sourire et sa présence égayait ma journée. je faisais tout pour me mettre à coté d'elle en classe et pour qu'elle me dessine des fleurs, des soleils ou des cœurs sur mes cahiers, comme elle en avait l'habitude avec d'autres amis. Je crois au fond que j'en étais profondément amoureuse. Ce soir la, à la fête du bac, on a dormi dans le même lit. Nous étions dos à dos. elle s'est approchée de moi et a posé sa jambe au dessus de la mienne. Je ne saurais jamais si cet acte était innocent et si cela pouvait rester dans le cadre d'une amitié. Mon cœur battait la chamade. J'en tremblait. Je ne pensais qu'a une chose, lui prendre la main, ou me tourner vers elle et l'embrasser. Mais je ne l'ai pas fait.
Les nouveaux indices sont venus progressivement. Le "monde" lesbien m'attirait mais dans le même temps je me dégouttait d'y penser. Ça ne pouvait pas être pour moi. J'avais un chéri qui m'aimait, a qui je tenais profondément. Au début, c'est moi qui l'ai cru homosexuel. Il avait des gestes tendres, il aimait que je le prenne dans mes bras. En fait il ne l'est pas. Cela devait probablement être une façon de m'approcher de près ou de loin de tout ce qui concerne l'homosexualité.
Et puis il y a eu Normal sup. Beaucoup de boulot, pas le temps de trop y penser. Il restait dans le nord (ma région natale), j'étais à paris, on se voyait tous les 15 jours, on se parlait le soir au téléphone. Au fond j'étais très malheureuse. Lorsqu'il m'appelait, je portais mon masque, ce masque que je n'arrivais pas à faire craquer. Parfois je ne répondais même pas tellement je n'avais pas envie de lui parler. Mais il était parfait alors pourquoi? J'étais aussi attirée par une fille de ma classe, belle, brillante, qui lisait beaucoup. J'achetais des tonnes de bouquin que je ne lisais pas forcement mais je me sentais dans l'obligation de lire car maintenant j'étais dans la cours des grands. Au fond je voulais peut être lui plaire.
L'année suivante, débats récurrents sur le mariage pour tous, notamment à normal sup. je prenais position dans la défense des droits des homosexuels masculins principalement sûrement en lien avec le fait que mes principaux amis sont homosexuels. Concernant les homosexuelles, je continuais à ressentir un malaise. Les deux filles s'embrassant dans Paris qu'on voyait partout me mettaient mal à l'aise même si au fond de moi je ne pouvais décemment pas "défendre" une homosexualité et pas une autre.
(Aujourd'hui je trouve cette photo belle).
Et puis l'acte final. Je savais au fond que ce n'était pas une bonne idée. Mon copain s'est décidé à venir trouver un stage de six mois à Paris. on stressait pour trouver un appartement. J'étais également stressée à cause de la fin de mes études et du fait que je ne savais vraiment pas ce que j'allais faire après normal sup, qui ouvre de nombreuses portes mais qui nous laisse totalement à l'abandon concernant les possibilités d'orientation (un peu comme à la fac finalement).
Et j'ai pété un câble et je lui ai tout dit: que j'étais homo, que je me dégouttait, que je ne prenais pas assez de plaisir avec lui, que je ne voulais pas le faire souffrir, que je tenais beaucoup à lui et que je voulais rester ami avec lui.
Il est rentré dans le nord au bout des six mois. Il n'allait pas bien non plus et il avait besoin de se retrouver. Il m'a proposé de venir avec lui, de reprendre un appartement à Lille, que je devais sûrement être bi, que tout ça c'était du stress et que c'était sûrement parce que j'étais perdue sur le plan professionnel. J'allais très mal mais au fond de moi je savais que ce n'était pas ça que je devais faire.
le lendemain de son départ j'avais de très sérieuses idées noires. J'ai écris à ma mère des messages inquiétants, et sans avoir le temps de dire ouf les pompiers ont débarqué et je me suis retrouvée à l’hôpital.
Et c'est la que j'ai vraiment commencé mon "coming out". J'ai discuté un peu avec une fille de 23 ans, déprimée elle aussi, famille catho, pas de copain, pas trop intéressée par "tout ça". Elle m'a prêtée sa clef USB pour regarder un film. Et je lui ai écris que je pensais que j'étais homo et que je me retrouvais dans son histoire et que j'avais simplement envie de discuter avec elle. Je ne saurais jamais si elle aussi avait une attirance pour les filles ou si je l'ai encore plus perturbée. Peut être que je l'ai aidée, je ne saurais jamais. Mais c'était la première fois que je mentionnais mon homosexualité. Par écris, autrement je ne pouvais pas.
Et puis je l'ai dis, d'abord à ma sœur, à ma façon: "tu vois charly" (son meilleur ami homo) "et bien je suis pareil mais dans l'autre sens". Et elle m'a répondu ... "ah tu es un "garçon".
Elle avait compris.
Puis je l'ai dis à ma mère qui elle ne l'a pas trop pris au sérieux.
Puis à des amis homo d'abord et hétéros enfin, réellement à la fin du processus.
et aujourd'hui, je suis enfin libérée de tout ca :-)
une longue histoire de coming out. Je serais ravie d'entendre la votre.
Merci à celles qui m'ont lue.
l'épisode 3 sera peut être consacré à Chrystelle, la première femme que j'ai connue et qui m'a libérée! :-)
bisous les filles :-)
Swidou épisode 2: le coming out. le texte est un peu décousu et long mais mon coming out aussi a été long et décousu et les indices sont venus petit à petit...
merci à celles qui auront l'envie ou le courage de me lire!
Au fond, je le savais déjà dès la classe de 4ème. J'étais attirée par les filles. Je ne pensais pas aux garçons. Pas de réel petit ami avant le lycée, et puis finalement le fameux "gendre idéal" que j'ai rencontré à 17 ans et avec lequel je suis restée 5 ans et qui était à l'époque mon meilleur ami, celui qui connaissait mes problèmes familiaux et m'aimait sincèrement. Je souhaitait au fond de moi qu'il reste avec moi car je l'aimais, mais je le sais maintenant, pas à la façon dont on aime un amoureux.
Il y a bien eu un nouvel indice vers 17 ans avec l'épisode Camille P. Une soirée bien arrosée , la "soirée de la fête du bac", où j'ai pu comprendre et refouler encore plus. Camille. Cette fille était rayonnante, insouciante, belle, drôle. Rien que son sourire et sa présence égayait ma journée. je faisais tout pour me mettre à coté d'elle en classe et pour qu'elle me dessine des fleurs, des soleils ou des cœurs sur mes cahiers, comme elle en avait l'habitude avec d'autres amis. Je crois au fond que j'en étais profondément amoureuse. Ce soir la, à la fête du bac, on a dormi dans le même lit. Nous étions dos à dos. elle s'est approchée de moi et a posé sa jambe au dessus de la mienne. Je ne saurais jamais si cet acte était innocent et si cela pouvait rester dans le cadre d'une amitié. Mon cœur battait la chamade. J'en tremblait. Je ne pensais qu'a une chose, lui prendre la main, ou me tourner vers elle et l'embrasser. Mais je ne l'ai pas fait.
Les nouveaux indices sont venus progressivement. Le "monde" lesbien m'attirait mais dans le même temps je me dégouttait d'y penser. Ça ne pouvait pas être pour moi. J'avais un chéri qui m'aimait, a qui je tenais profondément. Au début, c'est moi qui l'ai cru homosexuel. Il avait des gestes tendres, il aimait que je le prenne dans mes bras. En fait il ne l'est pas. Cela devait probablement être une façon de m'approcher de près ou de loin de tout ce qui concerne l'homosexualité.
Et puis il y a eu Normal sup. Beaucoup de boulot, pas le temps de trop y penser. Il restait dans le nord (ma région natale), j'étais à paris, on se voyait tous les 15 jours, on se parlait le soir au téléphone. Au fond j'étais très malheureuse. Lorsqu'il m'appelait, je portais mon masque, ce masque que je n'arrivais pas à faire craquer. Parfois je ne répondais même pas tellement je n'avais pas envie de lui parler. Mais il était parfait alors pourquoi? J'étais aussi attirée par une fille de ma classe, belle, brillante, qui lisait beaucoup. J'achetais des tonnes de bouquin que je ne lisais pas forcement mais je me sentais dans l'obligation de lire car maintenant j'étais dans la cours des grands. Au fond je voulais peut être lui plaire.
L'année suivante, débats récurrents sur le mariage pour tous, notamment à normal sup. je prenais position dans la défense des droits des homosexuels masculins principalement sûrement en lien avec le fait que mes principaux amis sont homosexuels. Concernant les homosexuelles, je continuais à ressentir un malaise. Les deux filles s'embrassant dans Paris qu'on voyait partout me mettaient mal à l'aise même si au fond de moi je ne pouvais décemment pas "défendre" une homosexualité et pas une autre.
(Aujourd'hui je trouve cette photo belle).
Et puis l'acte final. Je savais au fond que ce n'était pas une bonne idée. Mon copain s'est décidé à venir trouver un stage de six mois à Paris. on stressait pour trouver un appartement. J'étais également stressée à cause de la fin de mes études et du fait que je ne savais vraiment pas ce que j'allais faire après normal sup, qui ouvre de nombreuses portes mais qui nous laisse totalement à l'abandon concernant les possibilités d'orientation (un peu comme à la fac finalement).
Et j'ai pété un câble et je lui ai tout dit: que j'étais homo, que je me dégouttait, que je ne prenais pas assez de plaisir avec lui, que je ne voulais pas le faire souffrir, que je tenais beaucoup à lui et que je voulais rester ami avec lui.
Il est rentré dans le nord au bout des six mois. Il n'allait pas bien non plus et il avait besoin de se retrouver. Il m'a proposé de venir avec lui, de reprendre un appartement à Lille, que je devais sûrement être bi, que tout ça c'était du stress et que c'était sûrement parce que j'étais perdue sur le plan professionnel. J'allais très mal mais au fond de moi je savais que ce n'était pas ça que je devais faire.
le lendemain de son départ j'avais de très sérieuses idées noires. J'ai écris à ma mère des messages inquiétants, et sans avoir le temps de dire ouf les pompiers ont débarqué et je me suis retrouvée à l’hôpital.
Et c'est la que j'ai vraiment commencé mon "coming out". J'ai discuté un peu avec une fille de 23 ans, déprimée elle aussi, famille catho, pas de copain, pas trop intéressée par "tout ça". Elle m'a prêtée sa clef USB pour regarder un film. Et je lui ai écris que je pensais que j'étais homo et que je me retrouvais dans son histoire et que j'avais simplement envie de discuter avec elle. Je ne saurais jamais si elle aussi avait une attirance pour les filles ou si je l'ai encore plus perturbée. Peut être que je l'ai aidée, je ne saurais jamais. Mais c'était la première fois que je mentionnais mon homosexualité. Par écris, autrement je ne pouvais pas.
Et puis je l'ai dis, d'abord à ma sœur, à ma façon: "tu vois charly" (son meilleur ami homo) "et bien je suis pareil mais dans l'autre sens". Et elle m'a répondu ... "ah tu es un "garçon".
Elle avait compris.
Puis je l'ai dis à ma mère qui elle ne l'a pas trop pris au sérieux.
Puis à des amis homo d'abord et hétéros enfin, réellement à la fin du processus.
et aujourd'hui, je suis enfin libérée de tout ca :-)
une longue histoire de coming out. Je serais ravie d'entendre la votre.
Merci à celles qui m'ont lue.
l'épisode 3 sera peut être consacré à Chrystelle, la première femme que j'ai connue et qui m'a libérée! :-)
bisous les filles :-)
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Ven 5 Aoû - 17:15
* la photo est de Marseille je crois.
et désolée pour les coquilles éventuelles :-)
et désolée pour les coquilles éventuelles :-)
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Sam 6 Aoû - 18:55
Je n'ai pas reçu de réponses à la suite de ma "bio"mais je continue mon monologue. Je crois que l'écriture me fait du bien. Si cela se trouve je serais la seule à lire tout ça. Mais je n'ai honte de rien alors pourquoi le cacher, d'autant plus à des "inconnues".
J'ai rencontré Chrystelle à ma sortie d'hospitalisation, par une simple appli sur mon téléphone. Elle ne m'attirait pas plus que cela mais j'avais besoin de la voir, d'essayer pour savoir enfin en vrai "comment c'était". Je ne voulais pas d'une relation longue. j'étais en phase transitionnelle, une sorte de crise d'adolescence à retardement. Elle était assez masculine. Mes amis me taquinaient en l'appelant la "camionneuse". Je ne leur ai jamais présentée. Elle était libanaise et bossait dans la finance. je parle d'elle au passé, car aujourd'hui elle a quitté la France et je n'ai plus de nouvelles.
Après un peu de discussion et d'alcool, elle a rapidement pris les devant pour m'embrasser. Et nous avons couchés ensemble. C'était juste parfait sexuellement parlant. On est devenus amies. "sex-friends" comme on dit. Tout ça en se promettant de ne pas tomber amoureuses l'une de l'autre. Elle aussi était en phase de transition, elle venait de quitter sa copine avec qui elle était depuis 4 ans et qui était restée au Liban et était sévèrement en dépression. Elle n'aimait pas vraiment son boulot mais voulait réussir comme ses frères et sœurs l'avaient fait avant elle. On passait nos soirées à se raconter notre histoire, à "faire l'amour" (je déteste le terme baiser), à écouter de la musique et à s'apaiser l'une l'autre de nos problèmes et de nos tourments en se câlinant. Mais on était "potes" hein, on était pas amoureuses.
Et puis elle m'a quittée. elle est retournée avec son "vrai amour". Et c'est là que je me suis rendue compte que je l'aimais. Au début je pensais que c'était parce que c'était ma première relation avec une fille et que nécessairement je ne pouvais que ressentir quelque chose de plus fort qu'avec mon ex.
Mais non j'étais bien tombée amoureuse. Mais cette relation ne pouvait être que transitoire, elle n'aimait pas la France, voulait partir à tout prix, détestait ce pays. Je lui en ai voulu de m'abandonner, que sa copine m'interdise de lui parler, je lui écrivais des messages sur gmail que j'effaçais. Elle qui devait être ma sex-friend ne voulait même plus être mon amie. Rien que quelques câlins dans ses bras m'auraient suffit.
Aujourd'hui elle vit probablement à Londres (la dernière destination dont elle m'ait parlé) ou aux Etats-Unis, où sa copine devait partir. Elles se sont mariées.
parfois j'ai encore envie de taper son nom sur facebook pour avoir une chance de savoir ce qu'elle est devenue. J'espère qu'elle est heureuse. qu'elles sont heureuses.
J'ai rencontré Chrystelle à ma sortie d'hospitalisation, par une simple appli sur mon téléphone. Elle ne m'attirait pas plus que cela mais j'avais besoin de la voir, d'essayer pour savoir enfin en vrai "comment c'était". Je ne voulais pas d'une relation longue. j'étais en phase transitionnelle, une sorte de crise d'adolescence à retardement. Elle était assez masculine. Mes amis me taquinaient en l'appelant la "camionneuse". Je ne leur ai jamais présentée. Elle était libanaise et bossait dans la finance. je parle d'elle au passé, car aujourd'hui elle a quitté la France et je n'ai plus de nouvelles.
Après un peu de discussion et d'alcool, elle a rapidement pris les devant pour m'embrasser. Et nous avons couchés ensemble. C'était juste parfait sexuellement parlant. On est devenus amies. "sex-friends" comme on dit. Tout ça en se promettant de ne pas tomber amoureuses l'une de l'autre. Elle aussi était en phase de transition, elle venait de quitter sa copine avec qui elle était depuis 4 ans et qui était restée au Liban et était sévèrement en dépression. Elle n'aimait pas vraiment son boulot mais voulait réussir comme ses frères et sœurs l'avaient fait avant elle. On passait nos soirées à se raconter notre histoire, à "faire l'amour" (je déteste le terme baiser), à écouter de la musique et à s'apaiser l'une l'autre de nos problèmes et de nos tourments en se câlinant. Mais on était "potes" hein, on était pas amoureuses.
Et puis elle m'a quittée. elle est retournée avec son "vrai amour". Et c'est là que je me suis rendue compte que je l'aimais. Au début je pensais que c'était parce que c'était ma première relation avec une fille et que nécessairement je ne pouvais que ressentir quelque chose de plus fort qu'avec mon ex.
Mais non j'étais bien tombée amoureuse. Mais cette relation ne pouvait être que transitoire, elle n'aimait pas la France, voulait partir à tout prix, détestait ce pays. Je lui en ai voulu de m'abandonner, que sa copine m'interdise de lui parler, je lui écrivais des messages sur gmail que j'effaçais. Elle qui devait être ma sex-friend ne voulait même plus être mon amie. Rien que quelques câlins dans ses bras m'auraient suffit.
Aujourd'hui elle vit probablement à Londres (la dernière destination dont elle m'ait parlé) ou aux Etats-Unis, où sa copine devait partir. Elles se sont mariées.
parfois j'ai encore envie de taper son nom sur facebook pour avoir une chance de savoir ce qu'elle est devenue. J'espère qu'elle est heureuse. qu'elles sont heureuses.
- juju23
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Sam 6 Aoû - 20:26
Merci pour le partage de ton histoire et de tes expériences et la confiance que tu nous fais.
Je comprends et connais le fait que tu ais envie de taper son nom sur facebook afin d'avoir de ses nouvelles. Même si ça fait plus de bien que de mal ça maintient dans les souvenirs.
ps : magnifique photo en effet
Je comprends et connais le fait que tu ais envie de taper son nom sur facebook afin d'avoir de ses nouvelles. Même si ça fait plus de bien que de mal ça maintient dans les souvenirs.
ps : magnifique photo en effet
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Sam 6 Aoû - 20:52
merci juju pour ton commentaire.
Oui effectivement je fais pleinement confiance, peut être un peu trop...
je lui ai écris juste après pour avoir de ses nouvelles. On verra si j'ai une réponse
:-)
et la photo est top effectivement :-). tiens je vais la mettre en photo de profil ;-)
Oui effectivement je fais pleinement confiance, peut être un peu trop...
je lui ai écris juste après pour avoir de ses nouvelles. On verra si j'ai une réponse
:-)
et la photo est top effectivement :-). tiens je vais la mettre en photo de profil ;-)
- juju23
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Sam 6 Aoû - 22:47
@swidou : de rien Oui ça m'a faite sourire de voir ton nouvel avatar.
Pas forcément toujours simple de savoir doser la confiance que l'on peut faire et le fait de se protéger ... où mettre la limite ? Je suis un peu pareille.
Pas forcément toujours simple de savoir doser la confiance que l'on peut faire et le fait de se protéger ... où mettre la limite ? Je suis un peu pareille.
- Flork
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Dim 7 Aoû - 10:13
Toujours aussi touchant ton parcours. ^^
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 8 Aoû - 11:39
merci flork. J'ai une des nouvelles de chrystelle suite à cet écrit. elle va bien et part dans un mois rejoindre sa femme aux Etats Unis. Je suis contente pour elle :-)
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 8 Aoû - 11:40
pour ce qui est de doser la confiance, disons que je fais confiance à l'anonymat et surtout aux modératrices :-)
- juju23
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 8 Aoû - 13:35
@swidou : c'est chouette je trouve qu'elle t'ai donné de ses nouvelles =)
Oui et de toute manière je pense qu'ici il n'y a pas de risques de problèmes suite à des confidences.
Oui et de toute manière je pense qu'ici il n'y a pas de risques de problèmes suite à des confidences.
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 8 Aoû - 14:34
peut être que vous connaissez
En finir avec Eddy Bellegueule
ou
Retour à Reims
ce sont deux livres sur deux homosexuels (eddy bellegueule est plus de ma génération) concernant leurs souffrances vis à vis de leur homosexualité et leur "ascension sociale" et leurs "rejets" de leurs milieux sociaux d'origine. Je ne connais pas de livre concernant des homosexuelles sur le sujet...
si vous en connaissez ^^
:-)
En finir avec Eddy Bellegueule
ou
Retour à Reims
ce sont deux livres sur deux homosexuels (eddy bellegueule est plus de ma génération) concernant leurs souffrances vis à vis de leur homosexualité et leur "ascension sociale" et leurs "rejets" de leurs milieux sociaux d'origine. Je ne connais pas de livre concernant des homosexuelles sur le sujet...
si vous en connaissez ^^
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- juju23
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 8 Aoû - 15:02
Sur ces deux sites tu devrais trouver des noms de romans mais personnellement je n'en ai lu aucun :
http://www.lez-attitude.com/cat/livre-lesbien/
http://www.desailessuruntracteur.com/La-bibliotheque-lesbienne-ideale-100-livres-lesbiens-a-avoir-lu-dans-sa-vie-Quels-sont-vos-preferes_a95.html
http://www.lez-attitude.com/cat/livre-lesbien/
http://www.desailessuruntracteur.com/La-bibliotheque-lesbienne-ideale-100-livres-lesbiens-a-avoir-lu-dans-sa-vie-Quels-sont-vos-preferes_a95.html
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 8 Aoû - 15:07
merci juju !
- juju23
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 8 Aoû - 15:28
De rien
- kanaria
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 8 Aoû - 16:59
swidou, c'est un plaisir de te lire mais aussi j'adore écrire cela me permet de m'évader et de coucher tout ce qui nous préoccupe et de vider notre tête. Au plaisir de continuer à lire ton histoire
- InvitéInvité
Re: un témoignage d'une vie étrange
Mer 10 Aoû - 15:50
Ta prose est très émouvante, bravo
Ps : je pars en prépa littéraire en septembre, si tu pouvais m'en dire quelques mots....
Ps : je pars en prépa littéraire en septembre, si tu pouvais m'en dire quelques mots....
- swidou
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modifications et suite ...
Mer 10 Aoû - 21:14
Introduction : une histoire sordide ?
Mon ordinateur indique minuit en bas de l'écran. J’aime écrire.
Mais un peu comme n'importe quel art, je ne sais pas si cela fait vraiment du bien. Lorsque tu écoutes certaines musiques, tu sens la torture psychologique que certains artistes peuvent ressentir. Et c'est la même chose pour le dessin et l’art graphique, pour tout autre art, une forme d’exutoire dont le monde a profondément besoin aujourd’hui.
Si je réfléchis, et je réfléchis beaucoup trop, je pense que l'Homme a inventé l'art pour apaiser ses angoisses et ses souffrances. Combien de livres de coloriages pour adultes, combien d'abonnements sur deezer et spotify avec des playlists "joies de vivre".
J'ai toujours été quelqu'un de plutôt malheureux. Je ressens comme un vide en moi avec dans le même temps une forme de culpabilisation qui me dit qu'il faut aimer la vie malgré tout. Avec des bons moments, des proches qu'on aime et qui nous aiment.
J'ai un début d’existence compliqué. Je suis mal partie, un père pas méchant dans le fond mais alcoolique et très malheureux. Une mère qui se battait pour nous faire vivre décemment et que j'admire. Enfin je crois. Je viens d'une petite ville du nord de la France. Mes parents ne roulaient pas sur l'or. Ma mère a vécu beaucoup de de difficultés matérielles et psychologiques dans sa vie et reste encore aujourd’hui, très fragile sur les deux plans.
Et puis j'ai voulu me "battre" contre mon père et tout ce qu'il représentait. La peur, la frustration, le défaitisme, le chagrin noyé dans l'alcool, une vie ruinée par un manque de confiance en lui, une violence verbale et physique, bref ce que certains appelleraient une enfance "gâchée" par un père qui n’en était pas vraiment un.
J'ai fait une classe préparatoire à l’ENS Cachan, une des seules écoles en France qui rémunère ses étudiants/fonctionnaires-stagiaires. Un pur hasard, j’en ai entendu parlé en début d’année universitaire, et je me suis inscrite dans cette prépa, sans vraiment de conviction. Jusqu’à ce que je sache que les étudiants de cette école prestigieuse, que je ne connaissais absolument pas auparavant, étaient rémunérés pendant leur scolarité et avaient accès à de grandes opportunités.
Juste avant l’entrée à l’ENS, j’étais défaitiste, triste. Et puis j’ai appris la nouvelle par mon professeur de l’époque, qui m’a appelée chez moi. Je n’y croyais pas. Ça y est, j’étais libérée. Un tel soulagement s’est emparé de moi. Je n’allais plus rester chez eux, c’était fini, j’allais pouvoir étudier en étant rémunérée et faire ma vie en les laissant tous les deux dans leur divorce, leur vie de merde, leur banalité et leur impossibilité à élever décemment des enfants.
A l’ENS, j’étais une grande angoissée. Je me sentais inférieure, j’avais peur d’échouer constamment. Mon copain de l’époque m’aidait beaucoup. Il était le gendre idéal et un futur ingénieur brillant mais pas trop ambitieux, tout pour plaire à ma mère. Et c'est là que cela a explosé. Trop de choses d'un coup. Un milieu social qui finalement ne me convenait pas, un copain que je n'aimais pas vraiment. Une homosexualité refoulée depuis 10 ans. Tout était faux. Tout était là pour combler une souffrance, un mal-être de ne pas plaire à je ne sais qui.
Mon père voulait-il me voir aussi malheureuse que lui ? Je lui en veux toujours un peu. Au fond je pense que c'était un enfant, il n'aurait pas dû avoir d'enfants, c'est la vie qui l'a amené à le faire par « obligation sociale ». Une histoire familiale sordide ? Je suis peut-être bien la "cas sociale" que je cherchais à tout prix à éviter de devenir.
Et tout a craqué, cette souffrance s'est exprimée par plusieurs tentatives de suicide et à ce jour deux hospitalisations. Mais des gens m’ont aidée. Aujourd’hui cette souffrance s’apaise jour après jour. J’ai une copine qui m'aime et que j'aime et qui connaît toute mon histoire. Qui croit en moi malgré tout. Je me cherche encore un peu professionnellement mais j'ai des possibilités. Je vois la vie sous un autre angle.
Mon père est placé sous curatelle. C'est devenu un petit vieux pas méchant. Et je crois que je lui pardonne.
Aujourd’hui je suis peut-être moins désabusée qu'avant et avec un peu de joie de vivre et un sourire de temps en temps. Je me sens plus apaisée. En tout cas, je suis moi-même.
Chapitre 2 : le coming out.
Au fond, je le savais déjà dès la classe de 4ème. J'étais attirée par les filles. Je ne pensais pas aux garçons. Pas de réel petit ami avant le lycée, et puis finalement le fameux "gendre idéal" que j'ai rencontré à 17 ans et avec lequel je suis restée 5 ans et qui était à l'époque mon meilleur ami, celui qui connaissait mes problèmes familiaux et m'aimait sincèrement. Je souhaitais au fond de moi qu'il reste avec moi car je l'aimais, mais je le sais maintenant, pas à la façon dont on aime un amoureux.
Il y a bien eu un nouvel indice vers 17 ans avec l'épisode Camille P. Une soirée bien arrosée, la "soirée de la fête du bac", où j'ai pu comprendre et refouler encore plus. Camille. Cette fille était rayonnante, insouciante, belle, drôle. Rien que son sourire et sa présence égayait ma journée. Je faisais tout pour me mettre à côté d'elle en classe et pour qu'elle me dessine des fleurs, des soleils ou des cœurs sur mes cahiers, comme elle en avait l'habitude avec d'autres amis. Je crois au fond que j'en étais profondément amoureuse. Ce soir-là, à la fête du bac, nous avons dormi dans le même lit. Nous étions dos à dos. Elle s'est approchée de moi et a posé sa jambe au-dessus de la mienne. Je ne saurais jamais si cet acte était innocent et si cela pouvait rester dans le cadre d'une amitié. Mon cœur battait la chamade. J'en tremblais. Je ne pensais qu'a une chose, lui prendre la main, ou me tourner vers elle et l'embrasser. Mais je ne l'ai pas fait. Suite à cela, j’ai assez rapidement coupé les ponts avec elle.
Les nouveaux indices sont venus progressivement. Le "monde" lesbien m'attirait mais dans le même temps je me dégouttais d'y penser. Ça ne pouvait pas être pour moi. J'avais un chéri qui m'aimait, à qui je tenais profondément. Au début, c'est moi qui l'ai cru homosexuel. Il avait des gestes tendres, il aimait que je le prenne dans mes bras. En fait il ne l'est pas. Cela devait probablement être une façon de m'approcher de près ou de loin de tout ce qui concerne l'homosexualité.
Et puis il y a eu Normal sup. Beaucoup de boulot, pas le temps de trop y penser. Il restait dans le nord (ma région natale), j'étais à paris, on se voyait une fois tous les 15 jours, on se parlait le soir au téléphone. Au fond j'étais très malheureuse. Lorsqu'il m'appelait, je portais mon masque, ce masque que je n'arrivais pas à faire craquer. Parfois je ne répondais même pas tellement je n'avais pas envie de lui parler. Mais il était parfait alors pourquoi ? J'étais aussi attirée par une fille de ma classe, belle, brillante, qui lisait beaucoup. J'achetais des tonnes de bouquins que je ne lisais pas forcément mais je me sentais dans l'obligation de lire car maintenant j'étais dans la cours des grands. Au fond je voulais peut-être lui plaire.
L'année suivante, débats récurrents sur le mariage pour tous, notamment à normal sup. Je prenais position dans la défense des droits des homosexuels masculins sûrement en lien avec le fait que mes principaux amis sont homosexuels. Concernant les homosexuelles, je continuais à ressentir un malaise. Les deux filles s'embrassant dans Marseille qu'on voyait partout me mettaient mal à l'aise même si au fond de moi je ne pouvais décemment pas "défendre" une homosexualité et pas une autre.
Et puis l'acte final. Je savais au fond que ce n'était pas une bonne idée. Mon copain s'est décidé à venir trouver un stage de six mois à Paris. On stressait pour trouver un appartement. J'étais également stressée à cause de la fin de mes études et du fait que je ne savais vraiment pas ce que j'allais faire après normal sup, qui ouvre de nombreuses portes mais qui nous laisse totalement à l'abandon concernant les possibilités d'orientation (un peu comme à la fac finalement).
Et j'ai pété un câble et je lui ai tout dit : que j'étais homo, que je me dégouttais, que je ne prenais pas assez de plaisir avec lui, que je ne voulais pas le faire souffrir, que je tenais beaucoup à lui et que je voulais rester amis avec lui.
Il est rentré dans le nord au bout de ses six mois de stage. Il n'allait pas bien non plus et il avait besoin de se retrouver. Il m'a proposé de venir avec lui, de reprendre un appartement à Lille, que je devais sûrement être bisexuelle, que tout ça c'était du stress et que c'était sûrement parce que j'étais perdue sur le plan professionnel. J'allais très mal mais au fond de moi je savais que ce n'était pas ce que je devais faire.
Le lendemain de son départ j'avais de très sérieuses idées noires. J'ai écrit à ma mère des messages inquiétants, et sans avoir le temps de dire ouf les pompiers ont débarqué et je me suis retrouvée à l’hôpital.
Et c'est là que j'ai vraiment commencé mon "coming out". J'ai discuté un peu avec une fille de 23 ans, déprimée elle aussi, famille catho, pas de copain, pas trop intéressée par "tout ça". Elle m'a prêtée sa clef USB pour regarder un film. Et je lui ai écrit que je pensais que j'étais homo et que je me retrouvais dans son histoire et que j'avais simplement envie de discuter avec elle. Je ne saurais jamais si elle aussi avait une attirance pour les filles ou si je l'ai encore plus perturbée. Peut-être que je l'ai aidée, je ne le saurais jamais. Mais c'était la première fois que je mentionnais mon homosexualité. Par écris, autrement je ne pouvais pas.
Et puis je l'ai dit, d'abord à ma sœur, à ma façon : "tu vois Charly" (son meilleur ami homo) "et bien je suis pareil mais dans l'autre sens". Et elle m'a répondu ... "ah tu es un "garçon".
Elle avait compris.
Puis je l'ai dit à ma mère qui elle ne l'a pas trop pris au sérieux.
Puis à des amis homos d'abord et hétéros enfin, réellement à la fin du processus.
Ainsi s’est achevée ma première hospitalisation dont je n’ai que peu de souvenirs, hormis la présence à mes côtés d’une dame bipolaire très sympathique, maîtresse d’école dont le plus jeune fils, élève de Science po, préparait l’ENA. Je me retrouvais un peu en lui.
Chapitre 3 Chrystelle
J'ai rencontré Chrystelle à ma sortie d'hospitalisation, par une simple application sur mon téléphone. Elle ne m'attirait pas plus que cela mais j'avais besoin de la voir, d'essayer pour savoir enfin en vrai "comment c'était". Je me souviens du stress que j’avais avant de monter chez cette quasi-inconnue. Avec le recul, j’ai eu beaucoup de chance de tomber sur elle.
Après un peu de discussion et d'alcool, elle a rapidement pris les devants pour m'embrasser. Et nous avons couchés ensemble. C'était juste parfait sexuellement parlant. On est devenus amies. "Sex-friends" comme on dit. Tout ça en se promettant de ne pas tomber amoureuses l'une de l'autre.
Je ne voulais pas d'une relation longue. J'étais en phase transitionnelle, une sorte de crise d'adolescence à retardement. Elle était assez masculine. Mes amis me taquinaient en l'appelant la "camionneuse". Je ne la leur ai jamais présentée. Elle était libanaise et bossait dans la finance - Je parle d'elle au passé, car aujourd'hui elle a quitté la France et je n'ai plus beaucoup de nouvelles d’elle.
Elle aussi était en phase de transition, elle venait de quitter sa copine avec qui elle était depuis 4 ans et qui était restée au Liban. Elle était sévèrement en dépression. Elle n'aimait pas vraiment son boulot mais voulait réussir comme ses frères et sœurs l'avaient fait avant elle. On passait nos soirées à se raconter notre histoire, à "faire l'amour" (je déteste le terme baiser), à écouter de la musique et à s'apaiser l'une l'autre de nos problèmes et de nos tourments en se câlinant. Mais on était "potes" hein, on n’était pas amoureuses.
Et puis elle m'a quittée. elle est retournée avec son "vrai amour". Et c'est là que je me suis rendue compte que je l'aimais. Au début je pensais que c'était parce que c'était ma première relation avec une fille et que nécessairement je ne pouvais que ressentir quelque chose de plus fort qu'avec mon ex.
Mais non j'étais bien tombée amoureuse. Mais cette relation ne pouvait être que transitoire, elle n'aimait pas la France, voulait partir à tout prix, détestait ce pays. Je lui en ai voulu de m'abandonner, que sa copine m'interdise de lui parler, je lui écrivais des messages sur Gmail que j'effaçais. Elle qui devait être ma sex-friend ne voulait même plus être mon amie. Rien que quelques câlins dans ses bras m'auraient suffi.
J’ai pris de ses nouvelles récemment. Aujourd'hui elle vit à Londres et part bientôt aux Etats-Unis, où sa copine devait partir. Elles se sont mariées.
Visiblement elle est heureuse et avance aussi de son coté sur le plan professionnel. En tous les cas elle ne prend plus de médicaments. Elle ne veut plus travailler dans la finance. Elle voudrait bosser dans la programmation, je me rappelle, elle adorait ça.
Sa femme reste jalouse et je le comprends mais elle veut bien tout de même rester ma « marraine lesbienne » comme nous le disions en plaisantant, maintenant que la situation est apaisée.
Chapitre 4 : Construire mon identité de femme homosexuelle
Après Chrystelle, je me suis inscrite sur des sites de rencontre pour femmes homosexuelles.
Je me souviens essentiellement d’une soirée organisée sur une péniche en bord de seine où j’ai rencontré une fille, algérienne, dont j’ai malheureusement oublié le nom. Il y avait beaucoup de femmes d’un autre âge et nous étions les seules « jeunes ». Elle paraissait tout aussi mal à l’aise que moi. Nous avons un peu bu, un peu dansé, et beaucoup rit de notre malaise. En fin de soirée, vers cinq heures du matin, elle m’a proposé de dormir chez elle dans paris. Et j’ai refusé. Je n’étais peut-être pas encore prête car Chrystelle, elle, était bien plus entreprenante et les choses m’étaient parues plus faciles avec elle.
Pendant cette période, j’ai commencé à écrire aussi. Notamment à mon ex-petit ami, pour lui expliquer avec plus de recul ce qui c’était passé et pour essayer de l’apaiser lui aussi et qu’il passe à autre chose. Je n’ai plus de nouvelles, mais je pense qu’il va bien et j’espère qu’il est retombé amoureux d’une femme avec qui il est bien.
J’ai beaucoup évoqué ma construction personnelle tourmentée sur le plan de l’acceptation de mon identité de femme homosexuelle. Cette construction s’est poursuivie par la rencontre d’Amélie, ma copine actuelle, avec qui je suis depuis un an et demi et avec qui je vis depuis un an.
J’ai rencontré amélie alors que j’allais déjà mieux et que mes amis m’incitaient à passer à autre chose après l’épisode Chrystelle. Je n’ai pas assez de recul pour évoquer ma relation avec amélie. Elle a sa personnalité, son caractère, son âme pure et insouciante. Mais elle a beaucoup souffert elle aussi. J’en aurais peut-être un peu plus à dire dans quelques années.
En tous les cas, cette construction se poursuit lentement. J’ai beaucoup de discussions avec mes amis homosexuels concernant nos différences en tant que minorités sexuelles distinctes. Les sites de rencontre pour « plan cul » sont essentiellement masculins. Il n’y a à ma connaissance qu’une seule application concernant les femmes, que j’avais utilisée par ailleurs.
Les femmes se rencontrent peut-être d’avantage sur des forums, ou organisent des rencontres réelles. Elles discutent bien plus, et s’attachent aussi probablement plus rapidement. La problématique des femmes lesbiennes est aussi bien différente de celle des hommes homosexuels dans la construction de leur identité sexuelle.
Les hommes homosexuels peuvent sentir un rejet lié à des attitudes qui laissent penser à leur homosexualité. Ils peuvent également se sentir tiraillés sous un masque de virilité ou un désir homosexuel, et ce que la « norme » impose sur le plan comportemental comme sexuel. Cela peut être d’autant plus vrai sociologiquement parlant dans un monde où les valeurs masculines sont les plus valorisées, comme dans certains milieux sportifs ou les milieux ruraux ou populaires.
Les femmes lesbiennes, elles, peuvent souffrir différemment. Une souffrance personnelle que je ressens est dans l’idée de ne jamais donner la vie, même si je pense que je ne sentirais plus jamais l’envie de recoucher avec un garçon. Je pense que l’instinct maternel existe réellement. Qu’il n’y a pas derrière qu’une simple construction sociale. On retrouve cet instinct chez tous les animaux. Je ne souhaite pas entrer dans des débats relatifs aux familles homoparentales, car je crois par ailleurs que deux personnes homosexuel(le)s peuvent très bien élever un enfant épanoui et heureux. Je parle plutôt d’une frustration personnelle que je ressens. Il faut dire que ma mère a toujours eu comme plus grand souhait d’avoir des petits-enfants. Peut-être que le plus difficile pour moi était de prendre conscience que je ne pourrais pas, du moins pour l’instant et dans des conditions qu’elle considérerait comme « normales », lui offrir ce qu’elle souhaitait réellement.
Chapitre 5 : Envole-moi
En lisant l’autobiographie d’Edouard Louis, « en finir avec Eddy belle gueule », je me suis retrouvée sur certains points en termes de violence psychologique et de mots blessants de la part de mon père surtout. Aucun mot de mon père ne m’a marquée plus que ceux-là. « C’est moi qui paye tes études. Tu me dois tout ». Et je me suis alors promis que je ferais tout pour ne plus jamais rien lui devoir matériellement. D’où mon intérêt principal à l’époque, je dois le reconnaitre, pour l’ENS.
Pendant mes deux années de classe préparatoire, je me suis fait des amis précieux, Guigou et mimouille. Deux amis aux surnoms un peu ridicules mais qui restent encore aujourd’hui de précieux soutiens. Avec Guigou, on a préparé sérieusement le concours de l’ENS. On allait à la bibliothèque de médecine, la seule qui fermait tard le soir, pour travailler. Tout cela me permettait de m’échapper le plus longtemps possible de chez moi.
Je n’ai pas terminé une épreuve importante tellement j’étais défaitiste sur ma réussite. Malgré cela je fus la seule de ma promotion à avoir été reçue pour passer les épreuves orales. J’étais tellement angoissée … ça n’a pas marché cette fois-là mais je n’en étais pas très loin.
Et j’ai retenté ma chance l’année suivante. Tout cela en me noyant dans le boulot et avec mes parents en plein divorce et mon père qui buvait presque quotidiennement. Mes amis de prépa et ma grande sœur avaient des envies d’ailleurs et partaient en Erasmus un peu partout en Europe. Et moi dans tout cela, je m’isolais, je désespérais de préparer réellement ce concours. Cette année-là je ne me suis fait aucun véritable ami. Je traînais à la bibliothèque universitaire le plus longtemps possible, pour lire, apprendre, et surtout pour ne pas rentrer chez moi. Je me rappelle cette chanson de Jean Jacques Goldman que j’écoutais régulièrement en allant à la fac. Envole-moi. Et une phrase en particulier : « à coup de livres je franchirais tous ces murs ». Comme si j’en avais la rage au ventre. Au fond je pense que j’avais surtout besoin de me sécuriser financièrement et surtout psychologiquement parlant en m’éloignant d’eux. Après seulement je pourrais tenter d’escalader la pyramide de Maslow.
Chapitre 6 : mon « coming out » socio-professionnel
J’ai toujours été partagée entre mon intérêt pour l’aide apportée aux autres et le dégoût des difficultés matérielles et psychologiques que mes parents m’inspiraient dans les souffrances que cela engendrait au sein de l’ensemble des membres de ma famille.
Malgré cela, j’ai toujours voulu aider les autres. Cela me fait énormément de bien. Mais j’étais partagée avec un dilemme concernant l’argent. J’ai toujours eu peur de manquer d’argent et j’ai une relation compliquée avec tout ce qui est monétaire. Comme à peu près l’ensemble des membres de ma famille. Aujourd’hui grâce à l’ENS j’ai un peu de sous de côté et je suis plus apaisée face à cela.
J’étais partagée entre tout cela depuis l’adolescence et mes choix d’orientation professionnelle étaient dictés par cet arbitrage. Un de mes meilleurs amis, Cyril, est parti travailler dans le social. Il est devenu éducateur spécialisé. Dans une autre vie j’aurais pu exercer son métier que j’admire. Mais j’avais trop peur de ses voies « bouchées » et surtout de manquer d’argent. J’ai participé à des séjours d’animation avec des personnes handicapées. Ces expériences étaient formidables. Les « vacanciers » comme nous les appelions, étaient touchants par leur courage, par leur fragilité aussi. C’est Cyril qui m’y avait incité la toute première fois, et puis j’en ai fait deux ou trois autres tout aussi enrichissants sur le plan humain. Je revenais avec plein d’anecdotes à raconter à ma mère, qui est aide-soignante et avec laquelle je pouvais enfin partager des choses concrètes.
Mes amis de Cachan me taquinaient un peu car pendant une année, j’ai participé à une association de soutien à des personnes en situation de surendettement. Peut-être une forme de masochisme ou une envie réelle d’aider les autres. Alors que dans le même temps, je culpabilisais beaucoup d’être payée pour faire mes études et je trouvais cela particulièrement abjecte que des collègues de ma classe, parisiens et habitant encore chez leurs parents, utilisent cet argent comme un simple argent de poche. Car oui, les normaliens sont payés pour faire leurs études. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de demander les aides aux logements auxquelles j’avais plus ou moins le droit en tant qu’étudiante mais dont je n’avais absolument pas besoin. Quelques mois avant mon entrée à l’ENS, ces aides auraient représenté de gros montants pour moi et je ne pouvais décemment pas cracher dessus alors que ma mère continuait de compter ses sous jusqu’au moindre centime.
Et puis, il y a eu ce premier coming out concernant mon homosexualité et mon hospitalisation.
J’ai réussi tant bien que mal à terminer mon master 2 recherche en économie alors que j’étais totalement perdue professionnellement et sentimentalement parlant, et que j’étais à l’hôpital. Comme une double crise finalement, une crise à la fois concernant mon homosexualité et une immense instabilité qui me faisait énormément souffrir concernant mes choix d’orientation professionnelle.
Ma mère elle, n’a pas pu choisir. Elle nous a donné l’opportunité de réaliser ce choix. Et je m’en voulais d’être malheureuse alors que j’étais rémunérée pour étudier, alors que le statut de normalien, envié par beaucoup de mes camarades, ouvrait de très nombreuses portes. Mes collègues de l’ENS ont aussi eu pour la plupart des envies d’ailleurs. Ils sont pour certains partis un peu partout. D’autres avaient surtout envie de prestige et de reconnaissance, peut-être en lien avec leur milieu social d’origine et les aspirations de « plaire » à leurs propres parents qu’ils pouvaient avoir. Toujours ce besoin d’appartenance. Toujours cette pyramide de Maslow à escalader. Et moi dans tout cela, j’étais totalement perdu. Sur ce point j’étais particulièrement angoissée et influençable.
J’ai choisi mon master 2, sous-évalué par rapport à l’ENS, un peu par défaut. Au début je me suis intéressée au droit, parce que ma sœur faisait du droit et que cela nous permettait d’avoir des conversations passionnantes concernant les liens entre l’économie et le droit. J’ai réalisé un mémoire « d’analyse économique du droit » qui m’a beaucoup plu et sur lequel je me suis beaucoup investie.
La filière Economie-Gestion dans laquelle j'étais offre de nombreux débouchés, à la fois dans le secteur privé et le secteur public. Choisir : enseigner, devenir chercheur, faire du fric dans le privé, passer des concours de la fonction publique ? La fonction publique m’attirait, toujours dans cette idée d’aider les autres. Mais il fallait repasser des concours et l’ENS ne les financeraient pas. Je ressentais donc encore une forme d’insécurité, injustifiée celle-ci, j’étais de retour en bas de la pyramide de Maslow, du moins dans ma perception irréaliste des choses.
Après ma rencontre avec Chyrstelle et à la suite de ma première hospitalisation, j’ai finalement réalisé un premier stage d’économiste dans une grande banque d’affaires. J’admirais Chrystelle. Elle était sévèrement en dépression mais elle se battait, travaillait d’arrache-pied. C’est là que j’ai enfin compris que la dépression n’était pas un état de fainéantise, de flemme ou une « faiblesse ». Et que des personnes extrêmement courageuses pouvaient être sincèrement en dépression mais pour autant se « battre dans la vie ».
Et j’ai voulu faire comme elle, me battre, comme ma mère s’était battue toute sa vie durant. J’ai effectué un second stage dans la finance de marché. Période horrible. Un environnement que je détestais sincèrement ou la compétition et la richesse matérielle étaient les symboles de la réussite et où la jeunesse, le sport, le manger sain (etc.) étaient les valeurs à défendre en tout et pour tout.
C’est là que j’ai effectué ma plus violente dépression, amenant à la seconde hospitalisation qui date maintenant d’il y a un an. Cette dépression a été très violente car là, je ne m’opposais plus à mon père, mais à ma mère et à ses répétitions de « dans la vie il faut se battre ». Cette phrase qu’elle m’a souvent répétée m’a beaucoup marquée. Elle tournait en boucle dans ma tête, alors que la réelle fin de l’ENS approchait, ceci n’étant qu’un stage d’une année de césure. Pendant que j’essayais sagement de faire le peu que l’on me demandait, car en réalité je ne faisais pas grand-chose, cette fameuse phrase « dans la vie il faut se battre » continuait de tourner en boucle dans ma tête.
Amélie était là pour me soutenir. A ce moment, j’ai voulu la tromper, j’ai dit que mes problèmes venaient de nos difficultés sexuelles, j’ai eu envie de boire, et j’ai recommencé à avoir de très sérieuse idées noires. Je voyais toujours un psychologue mais il ne pouvait rien faire pour moi sur ce plan. A un moment, je pensais même que ces ruminations dépressives qui entaient mon esprit étaient des voix. Je pensais devenir folle, schizophrène. Il faut dire que quelques mois auparavant, ma mère m’avait révélé que sa propre sœur, ma marraine, était schizophrène. Les idées noires étaient là réellement très fortes au point que je voulais vraiment en finir avec la vie, me jeter par la fenêtre de ma chambre du Crous, pensant que j’étais irrécupérable et que je ne pourrais jamais affronter les épreuves de la vie.
Amélie m’a aidée. Ma sœur est revenue à Paris pour effectuer un stage. Toutes les deux m’ont beaucoup soutenue, mais surtout Amélie. J’ai été longuement hospitalisée, dans une unité « fermée », là où les risques suicidaires sont réels. Ce n’était pas juste l’homosexualité qui m’avait libérée, ce n’était pas aussi simple, je devais réellement faire la paix avec « mon milieu social », mes choix professionnels, ma « réussite malgré moi ». J’étais très angoissée à l’idée de quitter ma chambre du Crous et de me retrouver « à la rue ». Retour en bas de la pyramide de Maslow, besoin de sécurité matérielle et psychologique. Pour ce qui est de la sécurité matérielle, j’étais très largement en dehors de la réalité puisque j’avais un peu d’économies de côté et que vraisemblablement j’aurais décemment pu trouver une solution pour ne pas me retrouver « à la rue ». Pour ce qui est de la sécurité psychologique, je la dois principalement à Amélie.
Elle est venue me voir tous les jours à l’hôpital pour prendre de mes nouvelles, m’apporter des « salades de fruit », des petits plaisirs, m’apporter énormément d’amour et de câlins. J’attendais sa venue avec impatience.
A l’hôpital, j’étais à nouveau à côté d’une dame bipolaire d’une quarantaine d’année, dans une situation psychologique et matérielle plus grave je le pense que ma « colocataire » lors de ma première hospitalisation. Elle avait visiblement été sexuellement abusée, elle avait « trois travail » comme elle le disait, c’était une dame brillante qui avait obtenu un master de chimie et aurait souhaité faire un doctorat. Elle venait de se raser la tête. Son médecin souhaitait la placer en situation d’invalidité. Cette dame m’a plus marqué parce qu’elle me ressemblait plus sur certains points, notamment vis-à-vis de son instabilité dans ses choix.
Ainsi c’est achevé ma seconde hospitalisation, marquée je le crois par une forme de « coming out socio-professionnel ».
Chapitre 7 : l’entreprise « thérapie ».
Contrairement à ma première hospitalisation, peut être insuffisante, le traitement s’est révélé efficace et j’étais beaucoup plus détendue et apaisée. J’avais par contre pris une bonne dizaine de kilos en raison du traitement pris mais au moins il était efficace et n’avait pas l’effet d’accoutumance que peuvent avoir les anxiolytiques.
J’avais passé un entretien en juin, avant mon hospitalisation, dans une petite boite que j’appellerais « Thérapie ». Amélie a tout organisée à distance et j’ai commencé dix jours après ma sortie de l’hôpital.
Je suis restée six mois là-bas. C’était une entreprise qui demandait des compétences analytiques que j’aimais beaucoup. J’aimais beaucoup ce travail. Mais la situation était difficile et mon chef était visiblement au bord du burn-out. Je souhaitais lui montrer ma curiosité, lui poser des questions, m’investir, essayer, comprendre… mais il jouait au vieux patron. Il est parti en déplacement et s’est énervé et m’a demandé de rectifier un point sur lequel j’avais raison mais qui ne lui convenait pas. J’ai d’abord joué à la « normalienne » en lui montrant que j’avais raison, puis j’ai fait ce qu’il m’a demandé. Finalement il ne m’a pas gardée. Cela aurait pu s’arrêter là. Mais j’avais enfin trouvé quelque chose qui me plaisait réellement et dans lequel je me sentais bien. J’étais profondément blessée, moi qui m’était tant investie. Et je suis allée très loin, je suis allée voir ses anciens qui m’ont un peu rassurée en disant qu’ils étaient tous partis à cause de lui, que c’était un mauvais manager etc. En réalité, il était au bord du burn-out sur un autre sujet qui le préoccupait, et pour lequel on savait tous qu’il était perdu. J’ai cerné son personnage et compris qu’il était orgueilleux, et que son problème et les risques que cela représentait pour son entreprise étaient liés à un manque de confiance en lui en économie. Alors je suis allée très loin : je lui ai fait savoir par l’intermédiaire d’un collègue que ses anciens le détestait, qu’il était « bouffé par son orgueil et son mépris » et que j’avais « vu dans son bureau qu’il cherchait à recruter des mecs d’école de commerce pour sauver sa boite à moitié en faillite et son cul ». J’étais prête à allais aller taper partout pour dire qu’ils étaient en faillite….
Finalement, je me suis sincèrement excusée auprès de lui et de ses anciens et je pense qu’il a compris que c’était une erreur de jeunesse et que j’avais surement un problème d’orgueil au moins aussi important que le sien et que c’était surement la raison de sa dépression et de mon mal être. Il m’a récemment pistonné chez son plus gros client, pour lequel je n’ai malheureusement pas été retenue. Mais cela m’a soulagée et je pense, du mois j’espère, l’avoir aidé à ma façon.
Chapitre 8 : A la recherche d’une identité socio-professionnelle.
Aujourd’hui, j’ai compris que j’étais en sécurité financièrement, du moins pour les quelques mois ou années à venir. J’ai compris aussi que les aspirations de prestige ou de richesse matérielle de mes camarades de promotion n’étaient pas nécessairement les miennes.
Je suis à la recherche de postes de cadres qualifiés dans le secteur public, notamment en lien avec l’engagement décennal et le fait que je déteste l’idée d’avoir à rembourser un emprunt, mais aussi parce que je veux sincèrement contribuer à l’évaluation des politiques publiques et à l’intérêt général à ma façon. Des postes de vacataires de 3 ans sont disponibles. Trois ans c’est bien, ça laisse le temps de voir venir.
La période de chômage commence à s’éterniser un peu mais je ne perds pas espoir. Je passe de nombreux entretiens et cela finira par payer.
Ma mère a actuellement des soucis financiers. Je lui ai envoyé un peu d’argent.
Je prends toujours des médicaments, mais ils sont bien dosés et je me sens mieux et apaisée sur ce plan là aussi.
Peut-être que je ne me sentirais jamais vraiment dans une sécurité financière suffisante pour faire de gros emprunts (acheter une maison, un appartement etc.). On verra, mais j’aime l’idée de toujours garder un petit bas de laine en cas de coup dur et je préfère vivre en dessous de mes moyens qu’au-dessus.
La pyramide de Maslow a été de nombreuse fois critiquée pour son caractère vertical. Mais au fond, je pense qu’effectivement on ne peut pas s’accomplir si l’on ne se sent pas « matériellement » en sécurité d'abord, et si l’on ne dispose pas d’un sentiment d’appartenance et d’une estime de soi suffisante ensuite.
Chapitre 9 remonter aux sources
Mon ordinateur indique minuit en bas de l'écran. J’aime écrire.
Mais un peu comme n'importe quel art, je ne sais pas si cela fait vraiment du bien. Lorsque tu écoutes certaines musiques, tu sens la torture psychologique que certains artistes peuvent ressentir. Et c'est la même chose pour le dessin et l’art graphique, pour tout autre art, une forme d’exutoire dont le monde a profondément besoin aujourd’hui.
Si je réfléchis, et je réfléchis beaucoup trop, je pense que l'Homme a inventé l'art pour apaiser ses angoisses et ses souffrances. Combien de livres de coloriages pour adultes, combien d'abonnements sur deezer et spotify avec des playlists "joies de vivre".
J'ai toujours été quelqu'un de plutôt malheureux. Je ressens comme un vide en moi avec dans le même temps une forme de culpabilisation qui me dit qu'il faut aimer la vie malgré tout. Avec des bons moments, des proches qu'on aime et qui nous aiment.
J'ai un début d’existence compliqué. Je suis mal partie, un père pas méchant dans le fond mais alcoolique et très malheureux. Une mère qui se battait pour nous faire vivre décemment et que j'admire. Enfin je crois. Je viens d'une petite ville du nord de la France. Mes parents ne roulaient pas sur l'or. Ma mère a vécu beaucoup de de difficultés matérielles et psychologiques dans sa vie et reste encore aujourd’hui, très fragile sur les deux plans.
Et puis j'ai voulu me "battre" contre mon père et tout ce qu'il représentait. La peur, la frustration, le défaitisme, le chagrin noyé dans l'alcool, une vie ruinée par un manque de confiance en lui, une violence verbale et physique, bref ce que certains appelleraient une enfance "gâchée" par un père qui n’en était pas vraiment un.
J'ai fait une classe préparatoire à l’ENS Cachan, une des seules écoles en France qui rémunère ses étudiants/fonctionnaires-stagiaires. Un pur hasard, j’en ai entendu parlé en début d’année universitaire, et je me suis inscrite dans cette prépa, sans vraiment de conviction. Jusqu’à ce que je sache que les étudiants de cette école prestigieuse, que je ne connaissais absolument pas auparavant, étaient rémunérés pendant leur scolarité et avaient accès à de grandes opportunités.
Juste avant l’entrée à l’ENS, j’étais défaitiste, triste. Et puis j’ai appris la nouvelle par mon professeur de l’époque, qui m’a appelée chez moi. Je n’y croyais pas. Ça y est, j’étais libérée. Un tel soulagement s’est emparé de moi. Je n’allais plus rester chez eux, c’était fini, j’allais pouvoir étudier en étant rémunérée et faire ma vie en les laissant tous les deux dans leur divorce, leur vie de merde, leur banalité et leur impossibilité à élever décemment des enfants.
A l’ENS, j’étais une grande angoissée. Je me sentais inférieure, j’avais peur d’échouer constamment. Mon copain de l’époque m’aidait beaucoup. Il était le gendre idéal et un futur ingénieur brillant mais pas trop ambitieux, tout pour plaire à ma mère. Et c'est là que cela a explosé. Trop de choses d'un coup. Un milieu social qui finalement ne me convenait pas, un copain que je n'aimais pas vraiment. Une homosexualité refoulée depuis 10 ans. Tout était faux. Tout était là pour combler une souffrance, un mal-être de ne pas plaire à je ne sais qui.
Mon père voulait-il me voir aussi malheureuse que lui ? Je lui en veux toujours un peu. Au fond je pense que c'était un enfant, il n'aurait pas dû avoir d'enfants, c'est la vie qui l'a amené à le faire par « obligation sociale ». Une histoire familiale sordide ? Je suis peut-être bien la "cas sociale" que je cherchais à tout prix à éviter de devenir.
Et tout a craqué, cette souffrance s'est exprimée par plusieurs tentatives de suicide et à ce jour deux hospitalisations. Mais des gens m’ont aidée. Aujourd’hui cette souffrance s’apaise jour après jour. J’ai une copine qui m'aime et que j'aime et qui connaît toute mon histoire. Qui croit en moi malgré tout. Je me cherche encore un peu professionnellement mais j'ai des possibilités. Je vois la vie sous un autre angle.
Mon père est placé sous curatelle. C'est devenu un petit vieux pas méchant. Et je crois que je lui pardonne.
Aujourd’hui je suis peut-être moins désabusée qu'avant et avec un peu de joie de vivre et un sourire de temps en temps. Je me sens plus apaisée. En tout cas, je suis moi-même.
Chapitre 2 : le coming out.
Au fond, je le savais déjà dès la classe de 4ème. J'étais attirée par les filles. Je ne pensais pas aux garçons. Pas de réel petit ami avant le lycée, et puis finalement le fameux "gendre idéal" que j'ai rencontré à 17 ans et avec lequel je suis restée 5 ans et qui était à l'époque mon meilleur ami, celui qui connaissait mes problèmes familiaux et m'aimait sincèrement. Je souhaitais au fond de moi qu'il reste avec moi car je l'aimais, mais je le sais maintenant, pas à la façon dont on aime un amoureux.
Il y a bien eu un nouvel indice vers 17 ans avec l'épisode Camille P. Une soirée bien arrosée, la "soirée de la fête du bac", où j'ai pu comprendre et refouler encore plus. Camille. Cette fille était rayonnante, insouciante, belle, drôle. Rien que son sourire et sa présence égayait ma journée. Je faisais tout pour me mettre à côté d'elle en classe et pour qu'elle me dessine des fleurs, des soleils ou des cœurs sur mes cahiers, comme elle en avait l'habitude avec d'autres amis. Je crois au fond que j'en étais profondément amoureuse. Ce soir-là, à la fête du bac, nous avons dormi dans le même lit. Nous étions dos à dos. Elle s'est approchée de moi et a posé sa jambe au-dessus de la mienne. Je ne saurais jamais si cet acte était innocent et si cela pouvait rester dans le cadre d'une amitié. Mon cœur battait la chamade. J'en tremblais. Je ne pensais qu'a une chose, lui prendre la main, ou me tourner vers elle et l'embrasser. Mais je ne l'ai pas fait. Suite à cela, j’ai assez rapidement coupé les ponts avec elle.
Les nouveaux indices sont venus progressivement. Le "monde" lesbien m'attirait mais dans le même temps je me dégouttais d'y penser. Ça ne pouvait pas être pour moi. J'avais un chéri qui m'aimait, à qui je tenais profondément. Au début, c'est moi qui l'ai cru homosexuel. Il avait des gestes tendres, il aimait que je le prenne dans mes bras. En fait il ne l'est pas. Cela devait probablement être une façon de m'approcher de près ou de loin de tout ce qui concerne l'homosexualité.
Et puis il y a eu Normal sup. Beaucoup de boulot, pas le temps de trop y penser. Il restait dans le nord (ma région natale), j'étais à paris, on se voyait une fois tous les 15 jours, on se parlait le soir au téléphone. Au fond j'étais très malheureuse. Lorsqu'il m'appelait, je portais mon masque, ce masque que je n'arrivais pas à faire craquer. Parfois je ne répondais même pas tellement je n'avais pas envie de lui parler. Mais il était parfait alors pourquoi ? J'étais aussi attirée par une fille de ma classe, belle, brillante, qui lisait beaucoup. J'achetais des tonnes de bouquins que je ne lisais pas forcément mais je me sentais dans l'obligation de lire car maintenant j'étais dans la cours des grands. Au fond je voulais peut-être lui plaire.
L'année suivante, débats récurrents sur le mariage pour tous, notamment à normal sup. Je prenais position dans la défense des droits des homosexuels masculins sûrement en lien avec le fait que mes principaux amis sont homosexuels. Concernant les homosexuelles, je continuais à ressentir un malaise. Les deux filles s'embrassant dans Marseille qu'on voyait partout me mettaient mal à l'aise même si au fond de moi je ne pouvais décemment pas "défendre" une homosexualité et pas une autre.
Et puis l'acte final. Je savais au fond que ce n'était pas une bonne idée. Mon copain s'est décidé à venir trouver un stage de six mois à Paris. On stressait pour trouver un appartement. J'étais également stressée à cause de la fin de mes études et du fait que je ne savais vraiment pas ce que j'allais faire après normal sup, qui ouvre de nombreuses portes mais qui nous laisse totalement à l'abandon concernant les possibilités d'orientation (un peu comme à la fac finalement).
Et j'ai pété un câble et je lui ai tout dit : que j'étais homo, que je me dégouttais, que je ne prenais pas assez de plaisir avec lui, que je ne voulais pas le faire souffrir, que je tenais beaucoup à lui et que je voulais rester amis avec lui.
Il est rentré dans le nord au bout de ses six mois de stage. Il n'allait pas bien non plus et il avait besoin de se retrouver. Il m'a proposé de venir avec lui, de reprendre un appartement à Lille, que je devais sûrement être bisexuelle, que tout ça c'était du stress et que c'était sûrement parce que j'étais perdue sur le plan professionnel. J'allais très mal mais au fond de moi je savais que ce n'était pas ce que je devais faire.
Le lendemain de son départ j'avais de très sérieuses idées noires. J'ai écrit à ma mère des messages inquiétants, et sans avoir le temps de dire ouf les pompiers ont débarqué et je me suis retrouvée à l’hôpital.
Et c'est là que j'ai vraiment commencé mon "coming out". J'ai discuté un peu avec une fille de 23 ans, déprimée elle aussi, famille catho, pas de copain, pas trop intéressée par "tout ça". Elle m'a prêtée sa clef USB pour regarder un film. Et je lui ai écrit que je pensais que j'étais homo et que je me retrouvais dans son histoire et que j'avais simplement envie de discuter avec elle. Je ne saurais jamais si elle aussi avait une attirance pour les filles ou si je l'ai encore plus perturbée. Peut-être que je l'ai aidée, je ne le saurais jamais. Mais c'était la première fois que je mentionnais mon homosexualité. Par écris, autrement je ne pouvais pas.
Et puis je l'ai dit, d'abord à ma sœur, à ma façon : "tu vois Charly" (son meilleur ami homo) "et bien je suis pareil mais dans l'autre sens". Et elle m'a répondu ... "ah tu es un "garçon".
Elle avait compris.
Puis je l'ai dit à ma mère qui elle ne l'a pas trop pris au sérieux.
Puis à des amis homos d'abord et hétéros enfin, réellement à la fin du processus.
Ainsi s’est achevée ma première hospitalisation dont je n’ai que peu de souvenirs, hormis la présence à mes côtés d’une dame bipolaire très sympathique, maîtresse d’école dont le plus jeune fils, élève de Science po, préparait l’ENA. Je me retrouvais un peu en lui.
Chapitre 3 Chrystelle
J'ai rencontré Chrystelle à ma sortie d'hospitalisation, par une simple application sur mon téléphone. Elle ne m'attirait pas plus que cela mais j'avais besoin de la voir, d'essayer pour savoir enfin en vrai "comment c'était". Je me souviens du stress que j’avais avant de monter chez cette quasi-inconnue. Avec le recul, j’ai eu beaucoup de chance de tomber sur elle.
Après un peu de discussion et d'alcool, elle a rapidement pris les devants pour m'embrasser. Et nous avons couchés ensemble. C'était juste parfait sexuellement parlant. On est devenus amies. "Sex-friends" comme on dit. Tout ça en se promettant de ne pas tomber amoureuses l'une de l'autre.
Je ne voulais pas d'une relation longue. J'étais en phase transitionnelle, une sorte de crise d'adolescence à retardement. Elle était assez masculine. Mes amis me taquinaient en l'appelant la "camionneuse". Je ne la leur ai jamais présentée. Elle était libanaise et bossait dans la finance - Je parle d'elle au passé, car aujourd'hui elle a quitté la France et je n'ai plus beaucoup de nouvelles d’elle.
Elle aussi était en phase de transition, elle venait de quitter sa copine avec qui elle était depuis 4 ans et qui était restée au Liban. Elle était sévèrement en dépression. Elle n'aimait pas vraiment son boulot mais voulait réussir comme ses frères et sœurs l'avaient fait avant elle. On passait nos soirées à se raconter notre histoire, à "faire l'amour" (je déteste le terme baiser), à écouter de la musique et à s'apaiser l'une l'autre de nos problèmes et de nos tourments en se câlinant. Mais on était "potes" hein, on n’était pas amoureuses.
Et puis elle m'a quittée. elle est retournée avec son "vrai amour". Et c'est là que je me suis rendue compte que je l'aimais. Au début je pensais que c'était parce que c'était ma première relation avec une fille et que nécessairement je ne pouvais que ressentir quelque chose de plus fort qu'avec mon ex.
Mais non j'étais bien tombée amoureuse. Mais cette relation ne pouvait être que transitoire, elle n'aimait pas la France, voulait partir à tout prix, détestait ce pays. Je lui en ai voulu de m'abandonner, que sa copine m'interdise de lui parler, je lui écrivais des messages sur Gmail que j'effaçais. Elle qui devait être ma sex-friend ne voulait même plus être mon amie. Rien que quelques câlins dans ses bras m'auraient suffi.
J’ai pris de ses nouvelles récemment. Aujourd'hui elle vit à Londres et part bientôt aux Etats-Unis, où sa copine devait partir. Elles se sont mariées.
Visiblement elle est heureuse et avance aussi de son coté sur le plan professionnel. En tous les cas elle ne prend plus de médicaments. Elle ne veut plus travailler dans la finance. Elle voudrait bosser dans la programmation, je me rappelle, elle adorait ça.
Sa femme reste jalouse et je le comprends mais elle veut bien tout de même rester ma « marraine lesbienne » comme nous le disions en plaisantant, maintenant que la situation est apaisée.
Chapitre 4 : Construire mon identité de femme homosexuelle
Après Chrystelle, je me suis inscrite sur des sites de rencontre pour femmes homosexuelles.
Je me souviens essentiellement d’une soirée organisée sur une péniche en bord de seine où j’ai rencontré une fille, algérienne, dont j’ai malheureusement oublié le nom. Il y avait beaucoup de femmes d’un autre âge et nous étions les seules « jeunes ». Elle paraissait tout aussi mal à l’aise que moi. Nous avons un peu bu, un peu dansé, et beaucoup rit de notre malaise. En fin de soirée, vers cinq heures du matin, elle m’a proposé de dormir chez elle dans paris. Et j’ai refusé. Je n’étais peut-être pas encore prête car Chrystelle, elle, était bien plus entreprenante et les choses m’étaient parues plus faciles avec elle.
Pendant cette période, j’ai commencé à écrire aussi. Notamment à mon ex-petit ami, pour lui expliquer avec plus de recul ce qui c’était passé et pour essayer de l’apaiser lui aussi et qu’il passe à autre chose. Je n’ai plus de nouvelles, mais je pense qu’il va bien et j’espère qu’il est retombé amoureux d’une femme avec qui il est bien.
J’ai beaucoup évoqué ma construction personnelle tourmentée sur le plan de l’acceptation de mon identité de femme homosexuelle. Cette construction s’est poursuivie par la rencontre d’Amélie, ma copine actuelle, avec qui je suis depuis un an et demi et avec qui je vis depuis un an.
J’ai rencontré amélie alors que j’allais déjà mieux et que mes amis m’incitaient à passer à autre chose après l’épisode Chrystelle. Je n’ai pas assez de recul pour évoquer ma relation avec amélie. Elle a sa personnalité, son caractère, son âme pure et insouciante. Mais elle a beaucoup souffert elle aussi. J’en aurais peut-être un peu plus à dire dans quelques années.
En tous les cas, cette construction se poursuit lentement. J’ai beaucoup de discussions avec mes amis homosexuels concernant nos différences en tant que minorités sexuelles distinctes. Les sites de rencontre pour « plan cul » sont essentiellement masculins. Il n’y a à ma connaissance qu’une seule application concernant les femmes, que j’avais utilisée par ailleurs.
Les femmes se rencontrent peut-être d’avantage sur des forums, ou organisent des rencontres réelles. Elles discutent bien plus, et s’attachent aussi probablement plus rapidement. La problématique des femmes lesbiennes est aussi bien différente de celle des hommes homosexuels dans la construction de leur identité sexuelle.
Les hommes homosexuels peuvent sentir un rejet lié à des attitudes qui laissent penser à leur homosexualité. Ils peuvent également se sentir tiraillés sous un masque de virilité ou un désir homosexuel, et ce que la « norme » impose sur le plan comportemental comme sexuel. Cela peut être d’autant plus vrai sociologiquement parlant dans un monde où les valeurs masculines sont les plus valorisées, comme dans certains milieux sportifs ou les milieux ruraux ou populaires.
Les femmes lesbiennes, elles, peuvent souffrir différemment. Une souffrance personnelle que je ressens est dans l’idée de ne jamais donner la vie, même si je pense que je ne sentirais plus jamais l’envie de recoucher avec un garçon. Je pense que l’instinct maternel existe réellement. Qu’il n’y a pas derrière qu’une simple construction sociale. On retrouve cet instinct chez tous les animaux. Je ne souhaite pas entrer dans des débats relatifs aux familles homoparentales, car je crois par ailleurs que deux personnes homosexuel(le)s peuvent très bien élever un enfant épanoui et heureux. Je parle plutôt d’une frustration personnelle que je ressens. Il faut dire que ma mère a toujours eu comme plus grand souhait d’avoir des petits-enfants. Peut-être que le plus difficile pour moi était de prendre conscience que je ne pourrais pas, du moins pour l’instant et dans des conditions qu’elle considérerait comme « normales », lui offrir ce qu’elle souhaitait réellement.
Chapitre 5 : Envole-moi
En lisant l’autobiographie d’Edouard Louis, « en finir avec Eddy belle gueule », je me suis retrouvée sur certains points en termes de violence psychologique et de mots blessants de la part de mon père surtout. Aucun mot de mon père ne m’a marquée plus que ceux-là. « C’est moi qui paye tes études. Tu me dois tout ». Et je me suis alors promis que je ferais tout pour ne plus jamais rien lui devoir matériellement. D’où mon intérêt principal à l’époque, je dois le reconnaitre, pour l’ENS.
Pendant mes deux années de classe préparatoire, je me suis fait des amis précieux, Guigou et mimouille. Deux amis aux surnoms un peu ridicules mais qui restent encore aujourd’hui de précieux soutiens. Avec Guigou, on a préparé sérieusement le concours de l’ENS. On allait à la bibliothèque de médecine, la seule qui fermait tard le soir, pour travailler. Tout cela me permettait de m’échapper le plus longtemps possible de chez moi.
Je n’ai pas terminé une épreuve importante tellement j’étais défaitiste sur ma réussite. Malgré cela je fus la seule de ma promotion à avoir été reçue pour passer les épreuves orales. J’étais tellement angoissée … ça n’a pas marché cette fois-là mais je n’en étais pas très loin.
Et j’ai retenté ma chance l’année suivante. Tout cela en me noyant dans le boulot et avec mes parents en plein divorce et mon père qui buvait presque quotidiennement. Mes amis de prépa et ma grande sœur avaient des envies d’ailleurs et partaient en Erasmus un peu partout en Europe. Et moi dans tout cela, je m’isolais, je désespérais de préparer réellement ce concours. Cette année-là je ne me suis fait aucun véritable ami. Je traînais à la bibliothèque universitaire le plus longtemps possible, pour lire, apprendre, et surtout pour ne pas rentrer chez moi. Je me rappelle cette chanson de Jean Jacques Goldman que j’écoutais régulièrement en allant à la fac. Envole-moi. Et une phrase en particulier : « à coup de livres je franchirais tous ces murs ». Comme si j’en avais la rage au ventre. Au fond je pense que j’avais surtout besoin de me sécuriser financièrement et surtout psychologiquement parlant en m’éloignant d’eux. Après seulement je pourrais tenter d’escalader la pyramide de Maslow.
Chapitre 6 : mon « coming out » socio-professionnel
J’ai toujours été partagée entre mon intérêt pour l’aide apportée aux autres et le dégoût des difficultés matérielles et psychologiques que mes parents m’inspiraient dans les souffrances que cela engendrait au sein de l’ensemble des membres de ma famille.
Malgré cela, j’ai toujours voulu aider les autres. Cela me fait énormément de bien. Mais j’étais partagée avec un dilemme concernant l’argent. J’ai toujours eu peur de manquer d’argent et j’ai une relation compliquée avec tout ce qui est monétaire. Comme à peu près l’ensemble des membres de ma famille. Aujourd’hui grâce à l’ENS j’ai un peu de sous de côté et je suis plus apaisée face à cela.
J’étais partagée entre tout cela depuis l’adolescence et mes choix d’orientation professionnelle étaient dictés par cet arbitrage. Un de mes meilleurs amis, Cyril, est parti travailler dans le social. Il est devenu éducateur spécialisé. Dans une autre vie j’aurais pu exercer son métier que j’admire. Mais j’avais trop peur de ses voies « bouchées » et surtout de manquer d’argent. J’ai participé à des séjours d’animation avec des personnes handicapées. Ces expériences étaient formidables. Les « vacanciers » comme nous les appelions, étaient touchants par leur courage, par leur fragilité aussi. C’est Cyril qui m’y avait incité la toute première fois, et puis j’en ai fait deux ou trois autres tout aussi enrichissants sur le plan humain. Je revenais avec plein d’anecdotes à raconter à ma mère, qui est aide-soignante et avec laquelle je pouvais enfin partager des choses concrètes.
Mes amis de Cachan me taquinaient un peu car pendant une année, j’ai participé à une association de soutien à des personnes en situation de surendettement. Peut-être une forme de masochisme ou une envie réelle d’aider les autres. Alors que dans le même temps, je culpabilisais beaucoup d’être payée pour faire mes études et je trouvais cela particulièrement abjecte que des collègues de ma classe, parisiens et habitant encore chez leurs parents, utilisent cet argent comme un simple argent de poche. Car oui, les normaliens sont payés pour faire leurs études. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de demander les aides aux logements auxquelles j’avais plus ou moins le droit en tant qu’étudiante mais dont je n’avais absolument pas besoin. Quelques mois avant mon entrée à l’ENS, ces aides auraient représenté de gros montants pour moi et je ne pouvais décemment pas cracher dessus alors que ma mère continuait de compter ses sous jusqu’au moindre centime.
Et puis, il y a eu ce premier coming out concernant mon homosexualité et mon hospitalisation.
J’ai réussi tant bien que mal à terminer mon master 2 recherche en économie alors que j’étais totalement perdue professionnellement et sentimentalement parlant, et que j’étais à l’hôpital. Comme une double crise finalement, une crise à la fois concernant mon homosexualité et une immense instabilité qui me faisait énormément souffrir concernant mes choix d’orientation professionnelle.
Ma mère elle, n’a pas pu choisir. Elle nous a donné l’opportunité de réaliser ce choix. Et je m’en voulais d’être malheureuse alors que j’étais rémunérée pour étudier, alors que le statut de normalien, envié par beaucoup de mes camarades, ouvrait de très nombreuses portes. Mes collègues de l’ENS ont aussi eu pour la plupart des envies d’ailleurs. Ils sont pour certains partis un peu partout. D’autres avaient surtout envie de prestige et de reconnaissance, peut-être en lien avec leur milieu social d’origine et les aspirations de « plaire » à leurs propres parents qu’ils pouvaient avoir. Toujours ce besoin d’appartenance. Toujours cette pyramide de Maslow à escalader. Et moi dans tout cela, j’étais totalement perdu. Sur ce point j’étais particulièrement angoissée et influençable.
J’ai choisi mon master 2, sous-évalué par rapport à l’ENS, un peu par défaut. Au début je me suis intéressée au droit, parce que ma sœur faisait du droit et que cela nous permettait d’avoir des conversations passionnantes concernant les liens entre l’économie et le droit. J’ai réalisé un mémoire « d’analyse économique du droit » qui m’a beaucoup plu et sur lequel je me suis beaucoup investie.
La filière Economie-Gestion dans laquelle j'étais offre de nombreux débouchés, à la fois dans le secteur privé et le secteur public. Choisir : enseigner, devenir chercheur, faire du fric dans le privé, passer des concours de la fonction publique ? La fonction publique m’attirait, toujours dans cette idée d’aider les autres. Mais il fallait repasser des concours et l’ENS ne les financeraient pas. Je ressentais donc encore une forme d’insécurité, injustifiée celle-ci, j’étais de retour en bas de la pyramide de Maslow, du moins dans ma perception irréaliste des choses.
Après ma rencontre avec Chyrstelle et à la suite de ma première hospitalisation, j’ai finalement réalisé un premier stage d’économiste dans une grande banque d’affaires. J’admirais Chrystelle. Elle était sévèrement en dépression mais elle se battait, travaillait d’arrache-pied. C’est là que j’ai enfin compris que la dépression n’était pas un état de fainéantise, de flemme ou une « faiblesse ». Et que des personnes extrêmement courageuses pouvaient être sincèrement en dépression mais pour autant se « battre dans la vie ».
Et j’ai voulu faire comme elle, me battre, comme ma mère s’était battue toute sa vie durant. J’ai effectué un second stage dans la finance de marché. Période horrible. Un environnement que je détestais sincèrement ou la compétition et la richesse matérielle étaient les symboles de la réussite et où la jeunesse, le sport, le manger sain (etc.) étaient les valeurs à défendre en tout et pour tout.
C’est là que j’ai effectué ma plus violente dépression, amenant à la seconde hospitalisation qui date maintenant d’il y a un an. Cette dépression a été très violente car là, je ne m’opposais plus à mon père, mais à ma mère et à ses répétitions de « dans la vie il faut se battre ». Cette phrase qu’elle m’a souvent répétée m’a beaucoup marquée. Elle tournait en boucle dans ma tête, alors que la réelle fin de l’ENS approchait, ceci n’étant qu’un stage d’une année de césure. Pendant que j’essayais sagement de faire le peu que l’on me demandait, car en réalité je ne faisais pas grand-chose, cette fameuse phrase « dans la vie il faut se battre » continuait de tourner en boucle dans ma tête.
Amélie était là pour me soutenir. A ce moment, j’ai voulu la tromper, j’ai dit que mes problèmes venaient de nos difficultés sexuelles, j’ai eu envie de boire, et j’ai recommencé à avoir de très sérieuse idées noires. Je voyais toujours un psychologue mais il ne pouvait rien faire pour moi sur ce plan. A un moment, je pensais même que ces ruminations dépressives qui entaient mon esprit étaient des voix. Je pensais devenir folle, schizophrène. Il faut dire que quelques mois auparavant, ma mère m’avait révélé que sa propre sœur, ma marraine, était schizophrène. Les idées noires étaient là réellement très fortes au point que je voulais vraiment en finir avec la vie, me jeter par la fenêtre de ma chambre du Crous, pensant que j’étais irrécupérable et que je ne pourrais jamais affronter les épreuves de la vie.
Amélie m’a aidée. Ma sœur est revenue à Paris pour effectuer un stage. Toutes les deux m’ont beaucoup soutenue, mais surtout Amélie. J’ai été longuement hospitalisée, dans une unité « fermée », là où les risques suicidaires sont réels. Ce n’était pas juste l’homosexualité qui m’avait libérée, ce n’était pas aussi simple, je devais réellement faire la paix avec « mon milieu social », mes choix professionnels, ma « réussite malgré moi ». J’étais très angoissée à l’idée de quitter ma chambre du Crous et de me retrouver « à la rue ». Retour en bas de la pyramide de Maslow, besoin de sécurité matérielle et psychologique. Pour ce qui est de la sécurité matérielle, j’étais très largement en dehors de la réalité puisque j’avais un peu d’économies de côté et que vraisemblablement j’aurais décemment pu trouver une solution pour ne pas me retrouver « à la rue ». Pour ce qui est de la sécurité psychologique, je la dois principalement à Amélie.
Elle est venue me voir tous les jours à l’hôpital pour prendre de mes nouvelles, m’apporter des « salades de fruit », des petits plaisirs, m’apporter énormément d’amour et de câlins. J’attendais sa venue avec impatience.
A l’hôpital, j’étais à nouveau à côté d’une dame bipolaire d’une quarantaine d’année, dans une situation psychologique et matérielle plus grave je le pense que ma « colocataire » lors de ma première hospitalisation. Elle avait visiblement été sexuellement abusée, elle avait « trois travail » comme elle le disait, c’était une dame brillante qui avait obtenu un master de chimie et aurait souhaité faire un doctorat. Elle venait de se raser la tête. Son médecin souhaitait la placer en situation d’invalidité. Cette dame m’a plus marqué parce qu’elle me ressemblait plus sur certains points, notamment vis-à-vis de son instabilité dans ses choix.
Ainsi c’est achevé ma seconde hospitalisation, marquée je le crois par une forme de « coming out socio-professionnel ».
Chapitre 7 : l’entreprise « thérapie ».
Contrairement à ma première hospitalisation, peut être insuffisante, le traitement s’est révélé efficace et j’étais beaucoup plus détendue et apaisée. J’avais par contre pris une bonne dizaine de kilos en raison du traitement pris mais au moins il était efficace et n’avait pas l’effet d’accoutumance que peuvent avoir les anxiolytiques.
J’avais passé un entretien en juin, avant mon hospitalisation, dans une petite boite que j’appellerais « Thérapie ». Amélie a tout organisée à distance et j’ai commencé dix jours après ma sortie de l’hôpital.
Je suis restée six mois là-bas. C’était une entreprise qui demandait des compétences analytiques que j’aimais beaucoup. J’aimais beaucoup ce travail. Mais la situation était difficile et mon chef était visiblement au bord du burn-out. Je souhaitais lui montrer ma curiosité, lui poser des questions, m’investir, essayer, comprendre… mais il jouait au vieux patron. Il est parti en déplacement et s’est énervé et m’a demandé de rectifier un point sur lequel j’avais raison mais qui ne lui convenait pas. J’ai d’abord joué à la « normalienne » en lui montrant que j’avais raison, puis j’ai fait ce qu’il m’a demandé. Finalement il ne m’a pas gardée. Cela aurait pu s’arrêter là. Mais j’avais enfin trouvé quelque chose qui me plaisait réellement et dans lequel je me sentais bien. J’étais profondément blessée, moi qui m’était tant investie. Et je suis allée très loin, je suis allée voir ses anciens qui m’ont un peu rassurée en disant qu’ils étaient tous partis à cause de lui, que c’était un mauvais manager etc. En réalité, il était au bord du burn-out sur un autre sujet qui le préoccupait, et pour lequel on savait tous qu’il était perdu. J’ai cerné son personnage et compris qu’il était orgueilleux, et que son problème et les risques que cela représentait pour son entreprise étaient liés à un manque de confiance en lui en économie. Alors je suis allée très loin : je lui ai fait savoir par l’intermédiaire d’un collègue que ses anciens le détestait, qu’il était « bouffé par son orgueil et son mépris » et que j’avais « vu dans son bureau qu’il cherchait à recruter des mecs d’école de commerce pour sauver sa boite à moitié en faillite et son cul ». J’étais prête à allais aller taper partout pour dire qu’ils étaient en faillite….
Finalement, je me suis sincèrement excusée auprès de lui et de ses anciens et je pense qu’il a compris que c’était une erreur de jeunesse et que j’avais surement un problème d’orgueil au moins aussi important que le sien et que c’était surement la raison de sa dépression et de mon mal être. Il m’a récemment pistonné chez son plus gros client, pour lequel je n’ai malheureusement pas été retenue. Mais cela m’a soulagée et je pense, du mois j’espère, l’avoir aidé à ma façon.
Chapitre 8 : A la recherche d’une identité socio-professionnelle.
Aujourd’hui, j’ai compris que j’étais en sécurité financièrement, du moins pour les quelques mois ou années à venir. J’ai compris aussi que les aspirations de prestige ou de richesse matérielle de mes camarades de promotion n’étaient pas nécessairement les miennes.
Je suis à la recherche de postes de cadres qualifiés dans le secteur public, notamment en lien avec l’engagement décennal et le fait que je déteste l’idée d’avoir à rembourser un emprunt, mais aussi parce que je veux sincèrement contribuer à l’évaluation des politiques publiques et à l’intérêt général à ma façon. Des postes de vacataires de 3 ans sont disponibles. Trois ans c’est bien, ça laisse le temps de voir venir.
La période de chômage commence à s’éterniser un peu mais je ne perds pas espoir. Je passe de nombreux entretiens et cela finira par payer.
Ma mère a actuellement des soucis financiers. Je lui ai envoyé un peu d’argent.
Je prends toujours des médicaments, mais ils sont bien dosés et je me sens mieux et apaisée sur ce plan là aussi.
Peut-être que je ne me sentirais jamais vraiment dans une sécurité financière suffisante pour faire de gros emprunts (acheter une maison, un appartement etc.). On verra, mais j’aime l’idée de toujours garder un petit bas de laine en cas de coup dur et je préfère vivre en dessous de mes moyens qu’au-dessus.
La pyramide de Maslow a été de nombreuse fois critiquée pour son caractère vertical. Mais au fond, je pense qu’effectivement on ne peut pas s’accomplir si l’on ne se sent pas « matériellement » en sécurité d'abord, et si l’on ne dispose pas d’un sentiment d’appartenance et d’une estime de soi suffisante ensuite.
Chapitre 9 remonter aux sources
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Mer 10 Aoû - 21:21
j'ai modifié certains passages sur les conseils de certaines et en ai ajoutés d'autres.
j'évoque beaucoup de chose sur ma vie et je fais confiance :-)
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- juju23
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Mer 10 Aoû - 23:13
@swidou : merci pour le partage, j'aime beaucoup tes textes =)
- swidou
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 15 Aoû - 19:04
j'avoue qu'en fait ce post aurait plutôt du atterrir dans "à qui tendre la main" finalement, car il faut le reconnaître, je n'ai pas non plus une plume à tomber par terre ^^
merci à celles qui l'ont lues :-) (les courageuses)
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- kanaria
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Re: un témoignage d'une vie étrange
Lun 22 Aoû - 17:00
merci de nous faire partager, moi aussi j'écris mais je ne sais pas si j'oserais partager mon histoire
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